Pluies, I et II

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Immortelles, lavées, ces gouttes, depuis qu'elles ont commencé à couler, ne se sont
jamais lassées, ont volontiers atteint les régions et leurs chemins.

- Hymne védique

Morning Mantras :  






Pluies

I. Lustrale.

reprendre la marche
on croyait s'être assis
vrillés au sol
sertis pour toujours
à cette eau
à ce feu présent
on croyait embrasser les bouches de la roche

avoir fait son bois
tronc dur
seuls les bouts des doigts verts
seuls les plus hauts des cheveux
et manger
trois fois par jour
ce qui sort du champ et monte
ce qui pend de l'arbre et descend

on croyait que cela suffisait
on croyait que cela durerait

mais la Terre
toutes machines éteintes
a incliné son axe
en un lent mouvement de séduction
comme une femme incline son visage pour dévoiler son cou
à l'astre qui va l'embraser

les branches penchent
touchent les racines
on ne monte plus à l'échelle cueillir les fruits
ils ne tombent ni ne restent en place
ils se déplacent vers l'avant
jetés à notre face par les arbres

ce qui montait du sol
décrit désormais une boucle
et s'y sertit à nouveau
blé qui se refuse
sarment qui se taille lui-même
de façon à ne plus jamais rien donner
corps de la vie qui s'arque
et replonge sous la motte

  seuls les bouts des doigts sensibles
  seul au creux des pieds
  un reste d'amour

et la pluie
et la pluie
la pluie d'étranges gouttes
qui ressemblent à des pépins tombés du ciel
venus d'on ne sait quel fruit
à force de tomber si doucement
creuse les crânes
rebondit sur le sol
et commence à s'agréger tout autour du monde
à former une figure encore imprécise

alors nous rassemblons nos dernières forces
poings brisant le gel juste avant qu'il n'ait tout pris


II. Nuptiale

autour de la taille
le peu que nous possédons tassé à la va-vite dans des sacs en toile
troupeaux et enfants mêlés
nous partons tous ensemble
nous marchons sur place
la cadence de nos pieds réglée selon l'ancienne science
et la terre roule sous nos pas
et tourne et se réchauffe

ils croient que c'est un jeu
et c'est un jeu

  seules les épaules
  sur un autre rythme que les chevilles
  rythment la rotation
  crèvent les nuages
  font onduler le sol
  seuls les oiseaux qui courent légers
  entre les jambes de chacun
  puis font le tour de tout un peuple en marche
  savent où ils vont

le chant qui s'élève alors
fait trembler la glace
forme des cercles chauds de plus en plus amples
nos pieds projettent des matières
qui se mêlent à la pluie
ils croient que c'est un jeu
et c'est un jeu
les matières se répondent

  seule la pluie
  seule sonne

on entendrait presque parler le ciel

nous sommes à peine partis
nous avons à peine commencé à faire tourner le monde
mais ce chant est de ceux que l'on chante
quand on sait d'avance
que si on ne faiblit pas
troupeaux et enfants mêlés
la pluie tournera comme il convient autour du monde
et la forme se précisera peu à peu

le fou qui dirige le chant malgré lui
tombera le dernier
quand les bords et les stries de la forme qu'il connaît
seront parfaitement disposés

  seul le fou
  sait que l'espace est un champ fertile
  seul lui avec ses mouvements d'autre vie
  épaules hors de l'axe
  chevilles qui tissent d'amour
  a compris que la Terre est en âge de se marier

et la pluie
et la pluie
la pluie feu s'agrège et s'embrasse
tourne autour de ses flancs bleus

autour
patiemment
se forme l'anneau

Dernière modification le jeudi 01 Janvier 2015 à 02:06:38
Remercie pour la lumière du jour
pour ta vie et ta force
-Tecumseh, chef Shawnee


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Avatar : Déesse Epona, bois de chêne, alliage cuivreux, tôle d'argent et pâte de verre, Ier-IIème siècle, Saint Valérien, Bourgogne (actuelle Yonne)
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