Sésames des soleils, 8 - L'évasion aux clefs de lune

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Les bêtes pourraient dégénérer
et devenir des hommes

(Confessions de la Bête, Jonathan Swift)

Underwater love, "Hymn to the nymph Naïad", au chant : Tarja Turunen



Sésames des soleils

8 - L'évasion aux clefs de lune



une
une et une seule petite fleur*
qu'ils n'ont pas voulu lui accorder
elle leur aurait demandé le monde
ils lui en auraient donné quatre
l'un grondant de bêtes fabuleuses
l'autre aux bords ourlés d'orichalque
les deux derniers se présentant comme des cymbales de Cybèle
assourdissant jusqu'aux sourds des confins de l'univers

mais cette trop simple fleur qu'elle demandait à faire pousser
ce petit cercle de couleur dépassant à peine de la terre
débordait
des maigres pots de leurs esprits

accrochée malgré elle à son arbre
elle se balançait comme elle pouvait
et attrapait les branchettes les plus proches
pour graver des chiffres
dans le sable de son abaque à bâtons

que fais-tu ? s'informait-on au niveau du sol
vas-tu faire s'effondrer sur nous les murs du ciel comme nous en rêvons ?
me balancer m'aide simplement à m'endormir répondait-elle négligemment

après plusieurs nuits de calculs malaisés
-malgré sa vivacité
le sable finissait toujours par glisser de l'abaque-
la comète déviée de son profond plaisir
a attendu l'heure propice
l'instant où la lune semblait aux yeux humains
suspendue à la branche voisine

lune
veux-tu prendre ma place jusqu'au lever du jour ?
distrais-les
ils exigent des phénomènes et du spectacle
nul doute que si tu demeures ainsi
il y aura au matin une marée en colonnes
et toutes les créatures des fonds habituellement cachées
se présenteront à travers l'eau
nues à la vue de chacun
cela leur plaira beaucoup
ils croiront soudain tout savoir
d'un monde dont ils ignorent tout

lune
prends corps un instant et délivre-moi de mes liens
je te prédis qu'à l'ombre des nouveaux piliers bleus des plages
bien des tablettes de cire seront gravées à ton sujet
amuse-les
et peut-être deviendras-tu alors leur divinité primordiale
au prix de ta brève immobilité

la source qui venait du ciel
est parvenue à tenter la lune
qui s'est obligeamment positionnée au bout de sa branche

l'astre qui voulait simplement créer un parfum et l'offrir
s'est coulé le long du tronc jusqu'à terre
carapace de tortue retrouvée à son flanc
elle est entrée dans l'eau
a rafraîchi ses ouïes avant de plonger toute entière
et a mis cap à l'ouest de l'ouest

il se racontait que là-bas les gens n'avaient pas de mémoire au-delà d'une heure
et bien que promesse d'effroi
cela lui semblait augurer de jours légers et de nuits aimables
cela lui semblait
infiniment
reposant

elle avait tout son temps
le lendemain matin
le soleil serait bien trop occupé de l'autre côté
alors
pour ne pas arriver trop vite à destination
l'étoile qui perdait sa fragrance dès qu'elle se trouvait en cage
a pincé les cordes
avec plus de sérénité qu'elle n'en ressentait vraiment



cf. Le jardin que ma fleur cherchait<===Audible<===*vous êtes ici* <===L'astre qui voulait murmurer===>Onzième corps de la chouette===>Premier chant de la comète 

Dernière modification le mercredi 28 Février 2018 à 16:37:41
Remercie pour la lumière du jour
pour ta vie et ta force
-Tecumseh, chef Shawnee


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Avatar : Déesse Epona, bois de chêne, alliage cuivreux, tôle d'argent et pâte de verre, Ier-IIème siècle, Saint Valérien, Bourgogne (actuelle Yonne)
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