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Vu le succès de nos échanges sur des jeux d'écriture et comme j'ai l'impression que cela plaît à tout le monde, j'en rajoute un nouveau.
Intitulé de celui-ci : "Tournez manège"
C'est un jeu d'interaction. Un premier post saisit un personnage dans une situation donnée. Petit texte très bref, instantané de vie qui doit faire maximum trois paragraphes.
L'auteur suivant écrit un nouveau texte, sur un autre personnage, mêmes contraintes mais un plus, il doit avoir croisé le personnage précédent, voire plusieurs des personnages précédents.
Ce jeu pourraît aussi s'appeler : faisons un scénario à la Lelouche ou à la "Magnolia"
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SUPER ...... allez, hop, qui commence ?
CC
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moi (pour une fois)
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Il a un c?ur dessiné sur les lèvres. Bambin pas grand juste le mètre, tu sais? Une houppette qui signe le front, jaune presque. Ses gestes sont très lents la plupart du temps. D?autres fois, il s?agite, mais pour lui seul, ou contre tout le monde, si tu préfères. Il oscille d?avant en arrière. Ou? d?arrière en avant? Je n?ai jamais fait attention s?il commençait par reculer ou par se pencher. J?ai l?intuition que c?est important pourtant, que ça changerait beaucoup de choses de le savoir. Il est dans la classe d?Anneline. La première fois, elle est revenue survoltée, tu l?aurais vue. Joues fuchsia, le reste pâle. « Il a un c?ur dessiné sur les lèvres » Elle le clamait à qui voulait l?entendre. Pour peu, on aurait cru que c?était elle, tu sais? qui avait un problème. Bref, elle a tant fait, nous a tant dit, a tant répété et répété? que j?y suis allé pour voir, le soir, à la sortie des classes. A l?heure pile, parce que ses parents ne le laissent jamais à la garderie? pas assez d?encadrement pour lui, tu penses. Et je l?ai aperçu, c?était vrai, enfin d?un certain point de vue, oui, ce gamin avait un c?ur dessiné sur ses lèvres.
Vu qu?il ne cause pas, ou peu, ou seulement pour gueuler avant une de ses crises, ça m?a fait bizarre ce c?ur. Il avait du prendre un feutre bleu, du bleu des volets grecques qui contraste avec l?immaculé des murs au carré et des terrasses cascadant jusqu?à la mer. Des volets faits pour ouvrir mais aussi fermer sur la mer, car c?est le même bleu. Celui du ciel, avec les remuements des profondeurs en plus. Exactement cela. Sur son visage si blanc, cela lui donnait un air d?Auguste, même parenté de tristesse. Sa mère l?attendait. Elle n?a rien dit, l?a accueilli avec cette joie muette, les bras ouverts et l?a hissé contre son épaule. Elle n?a pas sorti un mouchoir de sa poche qu?elle aurait humecté de sa salive pour lui frotter les lèvres, comme faisaient nos mères en laissant une trace de gène à la place. Au contraire, elle lui a caressé la joue, avec cette fierté neuve.
Depuis, Anneline s?est dessinée une fleur sur les lèvres. Bien sûr, comme elle ne fait rien à moitié, elle a utilisé un indélébile vert. Il faudra plusieurs jours pour que ça parte. Quand je lui ai demandé pourquoi elle avait fait cela, elle m?a regardé avec une grande patience, elle a soupiré bruyamment, en haussant ses pupilles jusque sous ses sourcils. « Mais tu sais bien, hein ! » qu?elle m?a dit. Je n?ai pas osé dire, que non, je n?en savais rien. Peut-être qu?elle a raison au fond. Nous connaissons des choses qui riment avec le c?ur, nous les prononçons peu, très peu souvent, à cause d?une autre rime? noire celle-là, la peur. Mais ses lèvres a elle n?ont pas besoin de dire. Et quand elle s?approche de lui, maintenant, il ne crie plus, il ne s?agite plus, il relève la tête, un peu, et il la regarde bouche dans la bouche.
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Ce matin là, en arrivant à l?école, Gabrielle avait bien vu Anneline seule sous le préau, et lorsqu?elle s?était dirigée vers elle, Aurélien et Joachim l?avaient appelée. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d?eau, mais elle les distinguait toujours. Peut-être ce petit sourire dans l??il qu?avait Joachim, alors qu?Aurélien restait impassible.
Joachim a ouvert son cartable et a donné à Gabrielle un petit objet enveloppé dans un papier journal. Elle l?a glissé dans sa poche et s?est tournée vers le préau.. Anneline avait disparu.
En classe, l?institutrice, Madame Carine, distribuait aux enfants des feuilles de diverses formes, où ils devaient inscrire leurs noms, puis laisser voguer leur imagination, écrire un petit texte, colorier, plier, puis l?échanger avec un autre enfant..
Gabrielle avait écrit : « Aujourdhui, j?ai vu danser la lumière dans le jardin, et elle me souriait ».
Elle s?est retournée pour donner sa feuille à Joachim mais il n?était plus à sa place. Alors elle a échangé son message avec Anneline. A côté d?elle, lui, qui ne parlait pas, avait griffonné des signes incompréhensibles, et se balançait doucement sur sa chaise.
A la sortie de l?école, chacun est reparti avec le dessin ou le petit texte d?un autre enfant dans son cartable. Gabrielle a ouvert le papillon de papier d?Anneline. Dessus, il y avait une fleur vert fluo. Et ces mots : « Aujourd?hui, j?ai vu danser la lumière dans ses yeux » .
Et dans le papier journal de Joachim, il y avait ce caillou bleu tigré qui brillait au soleil chaque fois qu?il le sortait de sa poche.
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C'est Flo qui m'en a parlé la première, de ce coeur, de cette fleur, de ces dessins. Comme pour me prévenir, me mettre en garde. Mais tu crois que j'ai compris ? Plus étourdie que moi, y'a des fois, je me battrais ! Ainsi, lundi soir, lorsque Noémie est rentrée de l'école avec une double croche dessinée en orange sanguine, commençant sous le nez, traversant la bouche de haut en bas, et s'arrêtant au milieu du menton, j'ai commencé de râler, tu me connais. Et puis j'ai repensé à ce qu'avait dit Flo, le coup d'oeil d'Anneline, sa réflexion. J'ai choisi de me taire. J'ai pensé que Flo ne savait pas plus que moi. Parce que le monde de l'enfance est trop loin de nous, et c'est aussi bien : nous, les mères, avec nos gros sabots et notre savon et l'hygiène et est-ce que tu as bien brossé tes dents, Camille ?, nous passons à coté de tant de choses. On ne peut pas être partout, comme dit ma grandmère. Oui, mais nous passons à coté de l'essentiel, et c'est bien dommage.
Je crois que c'est à cause de cet esentiel que j'ai décidé d'aller attendre Noémie à l'école, le lendemain. J'ai retrouvé Flo ; les filles ont semblé amusées de nous voir là toutes deux : nous nous partageons la corvée sortie de classe, une semaine chacune et ce n'était pas ma semaine. J'étais là parce que je voulais voir le dessin moi aussi, elles l'ont compris tout de suite. On ne leur en remontre pas, aux deux chouettes. Je l'ai vu, le coeur au bord des lêvres ; je l'ai trouvé palpitant. On ne sait jamais, avec un coeur. Certains sont d'or, doublés de velours. D'autres semblent fragiles et pourtant ils supporteront tous les coups. D'autres sont invisibles. et ce sont les pires. Le petit garçon - comment elle m'a dit qu'il s'appelle déjà, Florence ? Bambin, Bambi ? je n'ai pas retenu.. - bref, l'enfant au coeur s'avançait doucement vers sa maman et nous nous sommes tournées du coté opposé, un demi tour vers la gauche dans un mouvement d'ensemble presque parfait, sans bavure, hop ; et regarde comme les marroniers ont grandi depuis l'an dernier, a dit Florence, on ne voit plus le clocher ". " Pareil avec l'olivier d'Isa, j'ai répondu ; tiens, si on lui téléphonait ? Si nous organisions un gouter samedi ? Ou dimanche ? " Toujours la tête obstinément tournée de l'autre coté, nous ne pouvions pas voir ce qui se passait à trois mètres derrière nous, dans la cohue de la sortie d'école. Je crois que j'ai espéré qu'elle disparaîtrait pendant que nous discutions.
Les filles sont parties en courant l'une poursuivant l'autre avec des cris d'oiseaux, et nous nous sommes retournées d'instinct pour voir où elles s'envolaient ainsi : elles s'étaient arrêtées devant la maman de l'enfant au dessin, et nous avons entendu clairement la question : " Madame, est ce qu'il pourrait venir gouter avec nous, samedi .. ou peut-être ce sera dimanche.. ? " On ne pouvait plus reculer, elles sont comme ça, les filles, elles décident pour nous, elles mènent tout dans nos vies. Je le jure, nous n'avons pas soupiré, nous nous sommes avancées, nous avons souri les sourires d'usage, dit les mots adéquats, prononcé les formules apprises au cours de nos enfants, au long des gouters, invitations et connaissances. Elle semblait génée, mais pas trop. Timide sans doute. Le petit garçon pesait sur son épaule, il ne bronchait pas.
Derni?re modification le 27-03-2009 ? 13:11:44
CC
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COMMENTAIRE :
( bouhhh ( pleurs!) Christiane et moi avons posté à 3 minutes d'intervalles.. Christiane, je vais reprendre mon texte car je dois introduire quelques'uns de tes personnages dans mon récit... Faire une suite logique. Les deux jumeaux, et Gabrielle. Puis aussi le caillou ! je suis désolée, j'ai cassé le rythme .. Derni?re modification le 26-03-2009 ? 20:44:04
CC
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Ce n'est pas important Lise. Vos textes ne sont pas du tout contrradictoires. C'est le plaisir de ce jeu d'introduire des décalages, des écarts de vue. Ce ne doit pas être un récit suivi et cohérent, mais comme un ensemble d'éclat d'un ensemble de gens. Il pourraît y avoir des désynchronisations dans le temps ou dans l'espace... Peu importe.
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OK ... je n'ai jamais participé à ce genre de texte interactif en suivant.
J'ai participé à des textes dans lesquels nous sautions entre les phrases ( ou parfois, DANS les phrases écrites par d'autres ) et nous ajoutions nos grains de sel. Celui qui ouvrait le texte initial avait le droit d'accepter ou de refuser nos itbnerventions. Donc, nous devions toujours rester très alerte et deviner ce qui plairait, ou non.
CC
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Flo, si on ouvrait un petit fil pour mettre nos commentaires ? nous enlèverions les trois messages precedents , et ainsi nous ne casserions pas le fil du jeu avec des commentaires qui vont faire dévier le texte principal ..
CC
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Pour Lise,
Quand j'ai écrit mon texte, je craignais que quelqu'un n'ait mis une suite avant moi, parce comme tu le dis, cela pourrait dérégler le récit si on envoie quelque chose en même temps.Comme des rails qui se séparent. Mais en lisant le tien, je trouve qu'il est dans la ligne et le style de celui de Florence, finalement, c'est comme un récit à plusieurs voix, plusieurs narrateurs. Le tout est de voir où cela va aboutir, mais bon, c'est curieux et amusant...On retrouvera bien les jumeaux et Gabrielle (j'aurais préféré l'appeler Odile, mais j'étais trop pressée) un jour...Qui sait?
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( rires !) Chris, tu m'as battue au poteau avec trois minutes de longueur d'avance, bon cheval !
CC
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Et les autres, ils ne se décident pas à poursuivre le texte?
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Mahatma Bandit
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Idée tout simplement géniale, bientôt je vais suivre.
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Question : quand le dernier a envoyé son texte, on continue ou cela s'arrête là?
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si on a envie on continue...
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on va donc voir comment l'histoire va tourner ..
CC
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On pourrait se donner une contrainte ( ouille !! ) de poster le texte suivant pas plus tard que .. 24, 36 ou 48 heures apres le dernier posté Et chacun serait libre de poster, sans attendre un tour de rôle ..
Je crois que je complique en voulant simplifier, non ? .. ?
CC
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Lise ne serais-tu pas... impatiente par hasard
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Je vais voir si je peux poster encore un autre texte à la suite.
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Mahatma Bandit
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(oui, j'ai de la suite dans les idées, et Aliénor aussi)
Au début, Aliénor s'est dit qu'elle allait entrer dans l'école le plus discrètement possible. Elle finirait forcément par trouver une salle avec une orange posée sur une table, une bouteille d'eau, peut-être une plaque de chocolat. Ensuite, elle reprendrait la route, direction l'océan.
Des bouts de souvenirs lui remontaient si fort qu'elle a failli tourner les talons et chercher ailleurs. Un endroit semblable. La mélodie de volière des cris d'enfants, en train de se préparer à rentrer en classe après la pause. La main de maman qui entoure la sienne. Maman.
La seconde d'après, c'était le contraire : elle a eu envie de sauter le portail comme une jument saute un obstacle.
Elle n'a fait ni l'un ni l'autre. Un des enfants, un garçon avec une drôle de houpette de Tintin est venu vers elle au lieu de rentrer dans l'école. Il tenait un feutre à la main, comme un chevalier tient une épée. Aliénor a eu l'impression bizarre qu'il la reconnaissait.
Elle lui a dit "bonjour". En guise de réponse, il a passé ses mains à travers la grille et il a dessiné sur le visage d'Aliénor. Elle n'a rien dit, d'abord pétrifiée, puis elle a laissé couler ses larmes, au rythme du trait du crayon.
Deux filles sont venues les rejoindre. Elles ont vu qu'Aliénor pleurait et ont compris qu'elle aurait du mal à redire "bonjour", alors elles l'ont prise par la main et l'ont assise au milieu de la cour.
- Je m'appelle Annelinne et ma copine, c'est Hoa... vous... tu...
La petite fille hésitait. Trop vieille pour être une élève, trop jeune pour être une maîtresse ou une maman. Comment s'adresser à elle ?
Annelinne s'est tournée vers Hoa. Hoa a haussé les épaules et ouvert les mains. Elle venait d'un peuple qui s'adaptait vite et qui voyait tout aussi vite ce qui n'allait pas chez quelqu'un. Hoa a demandé à Aliénor :
- Tu as faim ? Tu as soif ?
Aliénor a hoché deux fois la tête. Les deux filles n'ont pas pu s'empêcher de sourire en la regardant. Pendant tout ce temps là, même quand ils marchaient vers la cour, le garçon à la houpette n'avait pas cessé une seconde de dessiner sur le visage d'Aliénor. Partant de la bouche, le dessin du garçon à la houpette couvrait le visage de l'adolescente d'une spirale élégante. Annelinne a dit :
- Tu as une galaxie qui sort de ta bouche.
Pendant qu'Annelinne courait pour aller chercher la maîtresse et de quoi manger et boire pour Aliénor, Hoa est restée avec elle. Ses pleurs s'étaient un peu calmés et elle restait tranquillement assise. Sans doute parce qu'à sa naissance, sa mère n'avait que seize ans, Hoa a demandé :
- Tu viens chercher ta fille ? Elle est en quelle classe ?
Aliénor a souri largement à Hoa et a répondu.
- Non. Je viens chercher ma mère. Mais pas ici. Mais ici aussi quand même. Tu comprends ?
Hoa a honnêtement répondu :
- Non.
Et elle a souri encore plus largement. Aliénor aimait bien la façon de faire de la petite asiatique. Elle arrivait à envelopper son petit "non" dans des grands "oui".
Le petit garçon à la houpette a enfin lâché son feutre et ses yeux ont répondu à Aliénor : "oui, j'ai compris. Ça et même tout le reste".
Aliénor a cligné des yeux, juste le temps de prendre le regard du garçon et de le mettre dans le sien. Quand elle a rouvert les yeux, il n'était plus là, mais il s'était passé quelque chose de mystérieux.
Malgré la route, malgré la journée dans le camion et la nuit d'avant dans la forêt, grâce au garçon, elle se sentait maintenant aussi reposée que si elle avait dormi une longue nuit dans un bon lit.
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Ah! ça se tisse, trames de vie, un noeud à l'endroit, un noeud à l'envers!
Et nous revoici face à Aliénor... on en sait davantage encore...... Ce personnage a vraiment un potentiel énorme...
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Dernière modification le 28-03-2009 à 20:36:08
Derni?re modification le 28-03-2009 ? 20:46:39
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Mahatma Bandit
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Oups, désolé Christiane, je n'avais pas compris qu'il fallait reprendre un des personnages du texte immédiatement précédent, je pensais qu'on pouvait croiser avec un des textes du fil, quel qu'il soit ^^
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Non, j'essayais de comprendre, mais je crois que tout est bien finalement, moi j'avais vu cela comme "la Ronde" de Max Ophüls, enfin dans le genre. Mais bien sûr que "se croiser avec un des textes du fil quel qu'il soit" est juste, seulement j'imaginais qu'il fallait aussi enchaîner avec l'un des autres nouveaux venus. Après tout, l'important est de laisser aller son imagination, non? Je suis novice dans ces jeux et peut-être que j'ai pris les règles trop à la lettre.
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En tout cas, c'est une belle ouverture vers un univers mystérieux. Qui sait ce que vont devenir tous ces personnages? Peut-être Florence?
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Il ne faudra pas oublier de prendre le tas de cartons de boîtes à pizza. Et les confettis. Surtout bien vérifier que les plumes sont dans son sac, ainsi que les perles en bois. Carine fouille dans son cabas en tapisserie, le bras enfoncé jusqu?à l?aisselle. Son inspection terminée, elle le zippe et glisse la double courroie en cuir sur son épaule. Avant de partir, elle s?arrête à la coiffeuse. Le sac est imposant, mais il ne gauchit pas son allure gracieuse. Au contraire, cela fait ressortir son port de tête. Sa chevelure vaporeuse lui donne un air romantique qu?elle cultive tout en gardant cet air détaché. Pour l?autorité naturelle. Elle s?attarde à encore ajuster sa robe, ses tuniques en batik qu?elle superpose. Elle hésite, puis ouvre le tiroir sous le miroir ovale et prend deux bracelets fantaisie : l?un roux, l?autre vert lierre. « Des couleurs fanées » murmure-t-elle dans une tendresse des lèvres. Puis elle quitte son domicile. A pied. L?école n?est qu?à cinq cent mètres.
Farid avait laissé pour elle une théière de menthe. Voluptueuse, déjà sucrée, fort. Il avait du partir aux aurores. Alors il voulait qu?elle garde un goût vif de lui sur ses lèvres. Dans la rue, Carine passe le bout de sa langue sur son palais. Elle se sent aérienne. Ce sera une belle journée : bricolage de masques pour le Carnaval, récrés ensoleillées avec un zeste de vent piquant, présentation à la classe du petit frère d?Aurélien et Joachim dont la maman vient d?accoucher ? comment s?appellent-il encore ? Tobias ?- et de retour pour quinze heures trente. Farid sera là. Il terminera tôt. Ils prendront un long goûter. Parfois il ramène des cornes de gazelles qu?il achète à la boulangerie marocaine.
Elle passe devant le café de la jeunesse, un endroit à la saleté incrustée, où les pissotières sont bétonnées à même la façade et où en guise de jeunesse, on n?y voit depuis longtemps que des vieux pochards traîner leur sociabilité éthylique à toute heure du jour. Encastré dans la façade, il y a là un miroir au tain écorché de bronze, mat de savon séché. Carine passe, sent son mouvement qui s?y reflète, sent un autre mouvement qui la suit. Surprise, elle fait volte face, certaine de découvrir un passant ou un chat en promenade. Personne. Carine recule, sans se regarder. Repasse dans ses pas, plus attentive cette fois. Même ombre mouvante à sa suite. Elle stoppe, tire un mouchoir en tissu de sa poche ? jamais de ces machins en papier qui se déchirent dès le premier usage ? frotte le bas du miroir, puis remonte jusqu?à la hauteur de son visage. Elle se regarde enfin. Son visage est plus lisse, ses cheveux sont coupés courts, elle porte l?imperméable vert anis de ses vingt ans. Derrière son épaule, un jeune homme la fixe, yeux de tristesse et de rancune. C?est alors qu?elle distingue sur sa joue une ecchymose mauvâtre. Elle a un sursaut, ferme les yeux. Quand elle les rouvre, son reflet est revenu, indemne. Une voix à sa droite l?interpelle : Ben ma petite dame, faut pas être maniaque comme ça, j?allais le rincer mon miroir. Et c?est sûr, quand vous repasserez ce soir, il vous dira que c?est vous la plus belle !
Carine ne répond pas au patron, s?encourt, franchit les derniers mètres avant la cour d?école. Sur sa joue une lancinance subsiste. Hoa se précipite dans ses bras, affectueuse comme jamais, et y claque un gros bisou en guise de bonjour.
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Cela faisait maintenant au moins cinq ans que Bastien n?était pas revenu dans ce village. Il se souvenait des moindres tournants, des bosquets, de la ferme du chat qui rit, de ces ciels ombrés et de cette lumière si particulière.
Carine lui avait envoyé un faire- part pour une pendaison de crémaillère, elle voulait retrouver ses anciens amis et lui faire connaître sa famille.
Il se souvenait d?elle, de ses gestes précis, de ses yeux attentifs, et de cette rêverie soudaine qui la traversait souvent.
Il s?est arrêté au carrefour, le chemin indiqué sur le carton d?invitation ne correspondait pas à l?itinéraire prévu. Devant l?échoppe d?une fleuriste, il a demandé à une petite fille où se trouvait la maison de Carine et Hoa, rue des Pas Renversés. « Ah, je connais, dit-elle, je m?appelle Noémie, et Hoa est dans ma classe. Je vais te faire un dessin pour te montrer par où aller . Je ne peux pas aller avec toi, maman ne serait pas contente, et puis j?attends mes amies Anneline et Gabrielle. Tu sais, Carine, elle est venue acheter des fleurs ce matin. On a fait un bouquet qui ressemblait à des oiseaux, pourvu qu?il ne se soient pas envolés ! »
Bastien a sorti de sa poche une perle de pacotille, rose, et la lui a donnée. Il était tard déjà, il craignait de ne pas arriver à temps, et puis, allait-elle le reconnaître ? Sur le siège arrière, un cadeau mal emballé glissait de droite à gauche dans les virages. Soudain, il se sentit ridicule, mais qu?allait-il faire là ?
Derni?re modification le 30-03-2009 ? 09:00:43
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Tout ceci ne serait pas arrivé si l'homme à la barbe ne s'était pas mis à courir en direction d'Aliénor.
Elle repartait bien tranquille, après le gouter partagé avec Gabrielle et Hoa, elle se sentait bien, reposée et légère, quand, tout à coup il y a eu cet homme. Il courait vers elle, c'etait un peu fort : il cou-rait ! il ne s'approchait pas tranquillement, ce n'était pas un promeneur, pas un passant ordinaire. Non, il la suivait en courant.
Elle s'est mise à courir aussi, et tout en courant elle cherchait des yeux une porte, un jardin ouvert, un endroit dans lequel elle pourrait s'engouffrer, se cacher, se sauver. Mais rien, que le fleuve à sa droite et les talus fermés sur les propriétés de plaisance, à sa gauche. Elle entendait les pas de l'homme derrière elle.
Il se rapprochait, elle a vu la barge qui flottait sur le fleuve , à quelques mètres en contrebas du quai. Elle n'a pas hésité une seconde, c'était ça ou dieu seul savait quoi, comme aurait dit Diane. Elle a pris son élan et Bastien, interloqué, l'a vue s'envoler vers le fleuve. Il s'est arrêté net. Il y a eu le bruit d'un choc mou, suivi d'un long cri : " Ma jaaaaaaaaambe !"
Farid était penché sur Alénor, qui pâlissait à vue d'oeil, affalée sur le pont parmi les cordages :
- Tu serais tombée un mètre plus à droite et tu t'empalais sur le piquet de commande, dit-il. Qu'est ce qui s'est passé ? Tu as glissé, ou quoi ?
Aliénor a fait un petit signe vague, une ombre s'avançait, elle a reconnu l'homme à la barbe, il semblait inquiet. Elle a fermé les yeux.
- C'est votre faute, aussi
Elle parlait doucement, avec le sentiment de manquer d'air.
- Elle a une belle fracture, je crois, a dit Farid. Vous ne devriez pas faire la course avec votre fille sur ce chemin de hâlage. C'est dangereux
Bastien a secoué la tête plusieurs fois. Puis
- Il faut l'amener à l'hopital, il lui faut des soins, n'attendons plus. Pouvez vous m'aider à la porter jusqu'à ma voiture ? je l'ai garée là bas..
- Ecoutez, la mienne est juste là, nous gagnerons du temps, a dit Farid Et je connais le chemin le plus direct pour aller au CHU. On y va"
Voilà comment Aliénor, ce soir là s'est retrouvé avec un plâtre tout neuf dans un lit d'hopital.
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Bastien, lui est reparti vers son hotel. Il n'a pas eu le courage d'aller plus loin. Il lui fallait du repos, un bon sommeil, de l'eau claire, du silence, et la nuit propice aux fantasmagories. Les longues heures du soir lui permettraient peut-être de comprendre par quelle magie il s'était vu subitement repartir dix sept ans en arrière, à la sortie des classes, dans ce lycée de banlieu, courant derrière le seul amour de sa vie, ses cheveux roux, ses jambes de gazelle, et ses yeux verts.
Il savait bien qu'il faisait un erreur en revenant dans ce pays. Et maintenant, il était responsable d'une jeune fille blessée, presque une enfant. A l'hopital, il avait dit qu'il était son père, il l'avait enregistrée sous le nom de Jane, la blessée etait sous tranquilisants et n'avait pas réagi.
Elle pourrait sortir demain matin, la cassure était nette, il n'y aurait pas de complications, seulement quelques semaines passées à claudiquer
- Des vacances, avait dit le docteur, et tu as de la chance, il va faire beau..
N'importe quoi, avait pensé Bastien. " quelques semaines de convalescence.. mais qu'est ce que je vais bien pouvoir faire, c'est bien ma veine !
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Farid parlait à Carine, lui racontait l'envol de la jeune fille, son aterrissage sur le pont de bois de sa barge, l'hopital, et le comportement, bizarre du père.
- J'irai, demain. Je ne sais pas pourquoi, je sens qu'il y a quelque chose.. Il ne faut pas la laisser seule
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Anneline se dressat subitement sur son lit, hurlante : " Non, cria-t-elle " Puis retomba dans ses oreillers, pantelante.. " ma jaaaaaaaambe ..." Florence eut toutes les peines du monde à la rassurer, à éloigner le mauvais rêve.
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Les deux jumeaux s'endormirent emmélés l'un dans l'autre comme ils le faisient depuis le commencement de leur vie malgrè toutes les manoeuvres et astuces de leurs parents. Lesquels, de guerre lasse, avaient décidé ce soir-là qu'ils demissionnaient et ne s'opposeraient plus jamais à leurs aînés : ils avaient déjà assez à faire avec Tobias.
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Elizabeth sentit les petits pieds froids de Noémie sur son ventre et poussa un grognement tout en attirant sa fille vers elle. " Maman, souffla l'enfant, j'ai entendu passer une étoile, elle filait vers la grande ourse.. " Il y eut encore un chochutement, deux bisous rapides et voltigeurs qui aterrirent sur les cheveux et sous l'oreille de Noémie. Gaspard se retourna et faillit tomber du lit, et ils se rendormirent tous les trois, agrippés les uns aux autres dans le grand lit d la chambre orangée.
Derni?re modification le 09-04-2009 ? 16:11:02
CC
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Je n'avais pas compris: Hoa n'est pas la fille de Carine...
Ceci pour le cas où ma confusion se répercuterait sur les autres! Alors, tissez les liens , pertinents, comme cela se doit! L'imaginaire l'emporte souvent sur la raison, pour autant qu'on en ait (de la raison)...
Je me réjouis de voir de que vont devenir ces personnages!
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Mahatma Bandit
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Ce fil est absolument fascinant, tous ces morceaux de puzzle en 3D qui s'emboitent peu à peu.
Je ne peux pas participer en ce moment (malade, fièvre, je n'arrive pas à me concentrer longtemps), mais c'est vraiment passionnant.
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Courage et rétablis-toi vite! Moi je me sens un peu hors course, mais c'est vrai que la concentration est importante...
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