Renku Traverciel (Juliette Schweisguth et Stéphane Méliade)

 Renku Traverciel  (pour Liette)

Strophes impaires (à trois vers : 5-7-5) : Juliette Schweisguth
Strophes paires (à deux vers : 7-7) : Stéphane Méliade

*




des poings de suture
le sang des mots a un coeur
comment traverser

feu rouge à l'artère-route
la plaie met son clignotant

le vert ouvre un phare
où passent les paragraphes
brisant le brouillard

l'arbre ralentit au feu
l'orange croque un soleil

rouge dans la mer
où naviguent les passants
pont d'embouteillage

je traverse dans les vagues
à gué sur l'arche des clous

les pavés du ciel
dans un bruit de carrefour
tombent sur tes pieds

mon autobus à naufrage
plonge à l'arrêt des sirènes

ta lettre d'étoile
traces de route oubliée
la mer a câlé

mon cri s'assied sans ceinture
à la place du vivant

ton ventre brisé
s'étire dans l'océan
en un caillou blanc

sous le parking des marelles
bleuit la porte du ciel

des pommettes rouges
dessinent dans les nuages
un soleil tournant

le plein de plancton, je bois
ma vie freine en bulles d'air

paille du passé
tu bois l'arc-en-ciel des huiles
miettes goudronnées

lèvres désincarcérées
doublent les gestes des vagues

crissement des anges
dans le plasma des étoiles
ton corps luisant sait

sur l'aire du courant noir
j'ai poussé mon premier rire

la terre en sursaut
grince en chatouillis de vie
elle crie sa peau

la plante de mes pieds brûle
climatisée d'étincelles

aile à ton orteil
le gravier grave le ciel
sur le pas du jour

le sel démarre mon eau
corps carossé d'océan

le point d'un reflet
grandit dans l'eau de manège
et pèse les formes

mon coffre enflé de facettes
éteint l'écaille à mourir

ta queue de sirène
abandonnée dans le port
lourde ombre d'espoir

sur le quai bleu des ancètres
mon enfance en cale de sang

un éclat de plume
sculpte la racine errante
ta couleur est née

bateau pêcheur d'avenir
flacon débouché des phares

filets de visages
les cartes d'identité
sont emprisonnées

clignotant sur l'île d'encre
je bois l'ombre en négatif

voleurs de lumière
le cil palpite aux carreaux
tes lèvres sont blanches

le volant tourne plus haut
pour réveiller les bateaux

en cristaux de sève
Dieu dans le rétroviseur
germe dans ta langue

la constellation du poivre
à travers la vitre ouverte

copier sur le sel
fait désordre dans les astres
buvons leurs épices

île sur le siège arrière
elle navigue à l'envers

une plage glisse
dans sa gorge en sable rose
dépassant l'aurore

le ciel est passé au vert
tu peux traverser la mer

souffle en bandoulière
le tic-tac du crocodile
klaxonne en riant

Juliette Schweisguth, Stéphane Méliade
Octobre 2000-mars 2001


25/07/2011
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