(chuttt,
Elle revient mais sur la pointe du paturon)
A et B sont dans un pré. B et A viennent de se disputer. C les contemple et les aime tous les deux. C est amour.
A : La vache est froide.
(désignant C d'un geste accusateur).
(B ne dit rien, se demande visiblement si dire quelque chose n'empirerait pas la situation).
A
(deux tons plus haut) : LA VACHE EST FROIDE !
B (jusqu'ici de trois quarts, fait face au public, comme pour le prendre à témoin) :
- Mais elle est vivante.
A
(surpris et agacé par la réponse de B) : Oui, mais ça ne suffit pas. Qu'elle soit vivante, ça ne suffit pas ! La vache est froide et... et c'est ta faute !
B
(ton outré) : ma faute, ma faute, comment ça c'est ma faute ?
A : Parfaitement. Ta faute. C'est toi qui... elle... elle copie sur toi, voilà ! Tu es froide, elle est froide. Elle t'imite.
B. Ah oui ? Alors on va l'appeler Ranxerox. Ou Mauvaise Foi peut-être, c'est pas mal non plus comme nom, tu ne trouves pas ?
(
le prè est idyllique. Malgré la tension, malgré les désaccords, passe une seconde magique où A. B. et C. ont exactement le même mouvement de mâchoire, la même rumination tendre).
A.
(se radoucissant, sa voix passant tout d'un coup au grave, presque au tendre). Oui, oui, possible. C'est, tu comprends, c'est que je l'ai touchée tout à l'heure, juste avant ton arrivée et...
B.
(péremptoire). Donne ta main. Donne ta main, je te dis !
(B entoure la main de A dans la sienne, ferme les yeux comme si elle se livrait à des analyses au niveau cellulaire. Soudain, B ouvre les yeux et conclut : )
- Mais c'est ta main qui est froide. Ce n'est pas la vache. C'est toi qui te communique la sensation de froid, à toi-même, pour pouvoir ensuite m'accuser moi. Mais c'est vicieux !
(prenant le public à témoin)
- Non mais avez vu comment il est ?
(soudain, A secoue la main qu'il venait de poser sur la vache et plisse le front de douleur)
B : Qu'est-ce qui ne va pas ?
A: C'est chaud. La vache est chaude. Elle est bouillante !
(
B ouvre ses mains dans un geste d'impuissance
- Faudrait savoir ! Faudrait peut-être lui mettre un thermostat, à ta vache !
A :
Notre vache. C'est trop facile de dire "ta vache" quand la situation ne te convient pas !
B
(mouchée) : C'est... c'est... c'est... c'est... c'est... une façon de parler, voilà. Et puis, c'est vrai, je trouve... je trouve que parfois... 'elle tient plus de toi, voilà ! Elle a tes idées.
(C, la vache s'approche un peu plus d'eux. Pousse tendrement son mufle sur leur coeur, ce qui les adoucit)
A : (d'abord bourru puis tendrement). L'important... l'important c'est nous, non ?
B. (enthousiaste) : oui, mon chéri. L'important c'est nous.
(un temps de silence, puis : )
A.
(à voix basse, tournée vers un côté de la scène, s'adressant à la moitié gauche public) : N'empêche, c'est bizarre quand même, cette vache qui change de température en sa présence, alors que quand c'est moi qui m'occupe d'elle, température constante !
B
(à voix tout aussi basse, tournée vers l'autre côté de la scène, s'adressant à la moitié droite du public) : N'empêche, c'est bizarre, quand même, il a l'air nerveux ces temps-ci, pas dans son assiette, je me demande si je ne devrais pas lui offrir quelque chose pour lui changer les idées.
(haussant la voix et se tournant vers A)
- Chéri, tu aimes les chèvres ?
Derni?re modification le 13-05-2010 ? 01:40:09