Jeu d\"écriture : une année en quatre temps
Les Aubergistes

L'Auberge vous propose un petit jeu tout bête et tout simple, basé sur la progression d'une histoire et l'évolution d'un personnage.

Mettez en scène votre personnage principal ou vos personnages principaux à quatre dates différentes de l'année et faites le/faites les évoluer sur la longueur d'une année environ, en quatre paragraphes ou chapitres. Datez chacune de vos quatre entrées comme s'il s'agissait d'un journal, mais pour le texte lui-même, il n'a pas à être sous forme de journal, si une autre forme vous convient mieux.

Ce jeu peut paraître très basique et presque "bébête", mais en écrivant votre texte, vous constaterez qu'il n'en est rien et que vous allez tirer de votre plume des mots inattendus.
D'autres jeux thématiques vont suivre sous peu. Bons textes et étonnez-nous !


Une année à quat' temps, c'est la valse à mill' temps ..?

Puis-je commencer en été avec mon texte des pênombres ? J'aimerais bien le continuer dans le temps, justement, avec les mêmes personnages ( ++ ) ..
Super jeu - pour les jardins, on attendra après celui-là, non ?
Mahatma Bandit

Ha oui, quatre fois oui, Lise, ayant beaucoup aimé ton texte, j'en veux bien quatre comme lui :)

Pour les jardins, non pas nécessairement, c'est même bien de proposer un choix de deux ou trois jeux, à mon avis.
(dernier commentaire sur ce fil, laissons la place aux textes).
isa

bon, comme je suis pas rendue, c'est le moins qu'on puisse dire, je vous poste un petit poème pour enfant que j'ai écrit en quatre saisons pendant une récré dans une école où je venais travailler avec une de mes jeunes collègues.
(On ne rit pas)

La maison

Dis mon ami amérindien
Dis-moi comment est ta maison
Près de l?étang qui est miroir des eaux du ciel ?

Ma maison est blanche, dit mon ami amérindien
Elle est blanche comme le manteau des gelées
Puis elle est verte comme un regard quand on regarde l?autre ennuyé tout près du feu

Ma maison est brune comme les arbres
Orange comme l?écorce bleue comme l?eau qui est revenue

Elle est rouge comme le sang du moustique

Dorée comme une royauté dans l?automne

Elle est surtout noire comme les yeux de mon amour
Près de l?étang qui est miroir des eaux du ciel


J'aime beaucoup ce poème, Isa! Simple et frais, un mélange de couleurs, il est si pur!

OUi, c'est frais et coloré, et c'est parfaitement dans le thème lancé par Mahamat.
On pourrait le mettre en musique, aussi ...
isa

merci, Chris, Lise, on s'est bien amusé à faire nos petits poèmes, en tout cas
Mahatma Bandit

Moi, pendant la récré, je joue au ballon en poussant des cris, ça fait trop du bien. Je vais essayer ton truc d'écrire un poème à la place, c'est peut-être encore mieux
J'adore cette maison qui change de couleur et, en parcourant la simplicité du poème, on y trouve sa subtilité.

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bonjour les enfants!
oui, j'aime aussi ce poème d'Isa, profond dans sa simplicité.
Ca va être difficile de fair eun texte, parce que ca me rappelle trop un vieux, très vieux texte écris plus ou moins sur ce thème...
et un poème magrittien aussi!!!

faudrait que je les retrouve...

" Miroir des eaux du ciel ", tellement joli, Isa
En langage plus indien qu'amer, c'est Mississippi et c'est un amerindien du Minnesota qui me l'a raconté.
isa

ouah, merci Lise pour la précision, je ne savais pas.. Pourtant il m'a raconté plein plein de trucs, mon ami amérindien (mais pas ça).
Je suis comme Flo, j'ai un peu du mal avec les saisons, comprends pas trop pourquoi d'ailleurs, c'est un thème très clair. Je vais peut-être essayer les autres thèmes, pour voir.

Marrant, le truc du foot, Steph, parce que effectivement j'étais avec... des fiiiiilles ! (et toi des garçons, je parie) Bon, ben c'est pas gagné, hein ! je vais essayer le foot (ha ha)...


Vous savez quoi? Je me demande si le texte en quatre parties doit nécessairement situer le personnage en quatre saisons ...Stef dit : "quatre dates différentes de l'année"...Cela pourrait être deux plus rapprochées, deux plus éloignées...comme on veut, non?
N'empêche que l'idée des saisons qui vous est venue automatiquement à l'esprit, c'est bien joli!

Quatre[u][/u], et paf, par analogie "saisons" :je suis le meilleur chien de pavlov du monde, waouf ! .. Tu es fine,Chri-chri, je n'y avais pas pensé. Mais trop tard pour moi, je termine dans une heure.


Je me réjouis de te lire! Moi je n'ai pas encore la moindre ébauche...Mais cela va venir.

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LES ENFANTS DES QUATRE SAISONS
___________


AVRIL

On a regardé le poirier en fleurs, on l?avait planté avec nos pères deux ans auparavant. On s?est installés juste dessous, par terre, dans un étourdissant parfum de miel. On s?est mis à écrire ensemble à tour de rôle dans le cahier où nous racontions nos découvertes ; ça nous prenait de temps en temps, une démangeaison de mots. L?un commençait la phrase, l?autre la finissait. ? Quand on est encore un enfant, on est bien dans l?herbe nouvelle, dans l?espoir des fleurs et des feuilles, dans le sous bois qui joue pastel. Pieds nus dans l?eau qui pourtant glace, l??il rivé sur le fond sableux, on suit le crabe qui détale, l?algue verte veinée de bleu?. On a collé sur l?autre page une grande algue épaisse que nous avions fait sécher, aplatie entre deux buvards, sous les gros dictionnaires Quillet de ma mère. On a écrit le nom latin, ulva lactuca, aussi appelée Laitue de mer. L?algue est devenue ambrée et transparente avec les années. Les mots sont toujours là, et nos deux écritures, la sienne pointue, la mienne arrondie. Nous étions pointilleux sur l?écriture.

Puis, nous avons bondi vers la plage. Il y a des gardiens invisibles et précieux pour les enfants sauvages du printemps : nous ne sommes jamais parvenus à mémoriser les heures des marées, mais ce n?est pas Le Mont. L?eau ici ne monte pas à la vitesse d?un cheval au galop. Elle avance assez lentement pour donner aux bambins lambins le temps de grimper sur la dune. Nous en étions quittes pour un pull trempé et des bottes remplies d?eau sableuse. Nous avancions insouciants et du temps et de l?heure. Nous nous savions protégés, sans savoir ni par qui, ni pourquoi.

Deux chevaux échappés de l?hiver de justesse jetaient les rênes aux quatre sables. Un peu plus et on aurait pu nous entendre hennir. Deux poulains crinières au vent, frappant sec le sol dans la course, le rire aigu, l??il flamboyant, fiers de nos ombres jumelles, galopants aux crêtes d?écumes.

Déjà, fin mars, au moment où nous changions d?année et fêtions nos ans nouveaux à cinq jours de distance, nous commencions à piaffer d?impatience. En avril, nous entrions en printemps pour une longue période de lumière et de liberté qui durerait jusqu?aux premières gelées. En mai, c?était l?apothéose : des clochettes parfumées aux roses joufflues, les jardins nous parlaient de beauté, de douceur. Quand nous baissions la garde, une espèce de somnolence nous prenait soudain devant tant de bleu. Nous nous allongions dans l?herbe courte, livre en main, auprès des hortensias.

On avançait tous les jours un peu plus vers les vacances, les grandes, celles pour lesquelles nous acceptions de vivre à l?ombre neuf mois sur douze. Le soleil devenait plus chaud, plus brillant ; les jours allongeaient. Nous ne résistions pas toujours au clin d??il complice des vagues. Nous plongions malgré l?interdiction formelle et les trente six mille recommandations de nos mères, qui, sur ce chapitre, s?entendaient à merveille. Nous revenions vers le repas du soir au moment où le soleil se couche, lèvres bleues, grelottant, heureux, et salés des cheveux aux orteils, et nous attendions l?algarade, plantés dans la cuisine, mains derrière le dos, collés l?un à l?autre par l?épaule comme deux coquilles Saint-Jacques, comme deux siamois. Le verdict tombait : nous serions privés de bateau, nous serions consignés dans nos maisons respectives sans nous voir pendant trois jours. Les mères s?y entendent en tortures raffinées. Mais les nôtres étaient de la race des tendres qui ne savent pas punir. Devant nos airs chagrins, ne sachant plus quoi faire, et toutes deux au bord des larmes, elles appelaient les pères à la rescousse : ils arrivaient, silencieusement fiers de nous, rire frémissant au coin des lèvres ; ils fronçaient un sourcil de circonstance, élevaient la voix, tonnaient un peu et levaient la punition. Nous prenions l?air contrit, promettions tout ce qu?on voulait nous faire promettre et plus encore. Nous revenions ruisselants trois jours plus tard. Nos parents se lassèrent les premiers.

Dans le ciel, les bébés mouettes apprenaient à voler en rond.

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JUILLET

On se levait avant l?aube, dans le clair-obscur de la fin de la nuit. Il fallait se couler dans le silence des champs, loin des maisons et des aboiements canins. La pluie parfois nous accompagnait, sereine et dure. Quand il faisait brouillard, c?était de bonne guerre: il nous absorbait en même temps que les froufrous étouffés de nos respirations.

Nous marchions sans parler l?un près de l?autre, à nous toucher, besaces en dos, bâton en main. Nous traversions les marais, à l?odeur creuse, verte, sauvage. Un vol de canards partait à notre gauche, et nous nous arrêtions un instant, l??il essayant de suivre malgré l?obscurité l?aile sombre, le cou tendu, la tête noire. C?étaient des malards chatoyants dont les couleurs s?effaçaient dans ce qui restait de nuit.

Nous devinions le sentier aux pierres blanchâtres qui le bordaient, d?un seul coté : là où un faux pas nous aurait entraînés dans l?eau glauque. Il fallait suivre le passage étroit et entrer dans les roseaux sans peur et sans bruit. La bas, devant nous, se dessinait enfin la ligne pale des dunes.

Déchaussés, nous grimpions en zigzag parmi les herbes sèches, cherchant précautionneusement, de l??il et de l?orteil, la place douce et froide du sable entre les gaillets et les euphorbes. Arrivés en haut, nous nous couchions en attente parmi les épervières et les lotiers, dans un parfum de menthe sauvage et d?algues fraiches.

Autour de nous, la nuit était encore dense et sombre, si le ciel, au-dessus de nos têtes commençait à pâlir. Les mouettes dormaient en petits tas clair sur le sable. Loin devant nous, l?horizon restait noir d?encre ; c?est seulement au bord de la plage, à quelques mètres de nous, que les vagues commençaient à prendre couleur et mouvement.

Nous suspendions nos souffles, muets, mains liées, doigts emmêlés, épaule contre épaule, le regard fixé au loin sur la ligne qui devenait bleu marine en même temps que le ciel se nacrait de tendresse. De toute la force de nos regards, nous poussions l?ombre loin de nous, hors de nous, vers le fond du monde là-bas, à mille miles de toutes terres habitées. Nous tendions notre volonté toute entière vers l?inexorable matin, promis en cadeau unique, vers la journée qui suivrait, radieuse, vers chaque minute de nos vies d?enfants encore ignorants des noirceurs du monde.

Nous regardions en soupirant de bonheur le soleil se lever à notre droite, un peu en biais, et l?ombre portée des piquets fences à nos pieds, en bâtonnets tortueux. Nous avions vaincu la pénombre une fois de plus, nous l?avions chassée en même temps que tout ce qui pouvait être malheurs : nous savions que jusqu?à la nuit prochaine, tout nous était redonné.

Nous rentrions vers la maison, heureux et fiers de nous : nous avions douze, treize ans.


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OCTOBRE

Nous partions ensemble au lycée. Entre le départ au petit matin et le retour au crépuscule, les jours rétrécissaient. Nous allions, vaillants comme tous les courageux petits humains peuvent l?être, stoïques et muets, réfrénant l?envie de nous en retourner et de courir sans nous arrêter, d?un trait, tout droit devant, direct vers les ajoncs et les cailloux, vers le sable humide et froid, et l?ourlet bleu vert de l?eau atlantique. Où trouvions-nous le courage de résister ?

Nous sortions de la gare, dans la pluie, ramassés en nous-mêmes. Nous marchions muets sur les trottoirs de la grande ville, déjà fatigués dans la fraicheur des matins gris, trop ensommeillés pour autre chose que les pas l?un devant l?autre, sans pensée comme sans parole, nez froncé de dégout dans les rues puantes, assourdis par les vrombissements des voitures, camions, camionnettes, motos et autres engins à moteur, dont nous avions appris à nous garer d?un bond machinal en arrière. Nous traversions au feu comme il se devait, épaules rompues par le poids d?un sac à dos dans lequel nous fourrions trop de livres, trop de cahiers, trop de choses dont nous savions que nous n?aurions pas l?usage, mais qui faisaient de nous des lycéens, honneur suprême.

Les heures se trainaient, interminables. L?horloge électrique avançait par saccades, piquait chaque heure d?une sonnerie stridente, en vrille, qui nous tombait dessus de haut, libératrice et tortionnaire. Escaliers à monter, à descendre, et toujours ce sac à trainer d?une classe à l?autre. Piétinement de petit troupeau puéril et bavard, éclats de rire, bavardages. Parfois, l?après midi s?ensoleillait de quelques cours aimés, français, histoire, géo, dessin, musique. Cinq heures arrivaient alors comme par enchantement.

Nous nous retrouvions sur le boulevard, devant la grande porte, terreux, rassis, mais le premier regard nous redonnait vie et tendresse. Le museau dans le creux de son épaule, je remplissais mes narines de cette odeur un peu trouble qu?il rapportait avec lui, de ces heures passées loin de moi, en compagnie de trente autres garçons comme nous robustes paysans ignorants de la douche et des savons parfumés. Nous, c?était au savon de Marseille et à l?eau froide, hiver comme été. L?after-shave, Chanel, St Laurent viendraient plus tard, certes délicieux mais pas au point d?effacer jamais le souvenir de la grosse pierre bise.

Je me hasardais parfois jusque sous l?oreille, là où la peau est douce et fragile, et il riait en s?écartant, disait que je le chatouillais. Pudiques, sauvages, honteux du baiser jamais donné, jamais reçu, à peine pensé, nous nous séparions vivement. Déjà il courait à grandes enjambées vers la gare, vers le train, vers la mer, vers nos maisons ; je le suivais comme je le faisais depuis ma naissance, au pas de course, rieuse, grondeuse, essoufflée parfois, jamais vaincue.

Nous grimpions dans le wagon en continuant notre conversation ou nos chamailleries, que rien, jamais, ne pourrait interrompre, pensions-nous. Il s?agissait de mésange ou de crabes, d?une partie de pêche, d?un peintre, de Colette que nous avions découverte l?été précédent ; de Ravel, pour lui ; de Bach, pour moi, qui massacrais cruellement les préludes. Ou de la télé promise pour Noel et qui fut ainsi, de mois en mois repoussée jusqu?à Pâques et à la trinité.

Nous parlions encore lorsque le train se mettait en marche. Nous parlions toujours et déjà les collines s?encombraient de brumes. La pluie fouettait la vitre, chaque tour de roue nous rapprochait de nos maisons voisines, des jardins mitoyens. Les remblais devenaient clairs, les touffes d?herbes sèches blondissaient les bas-côtés, le sable blanc remplaçait la terre rouge. Au niveau de la pinède, nous passions une invisible frontière, le train s?essoufflait à grimper la dernière colline, la plénitude nacrée de la mer emplissait l?horizon. Quelque chose en nous se dénouait, nous respirions plus amplement, nous nous illuminions d?un sourire et nous revenions dans l?enfance.
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JANVIER

De l?aube tendre jusqu?à la fin du jour, je t?aime encore, tu sais, je t?aime.

Lequel de nous deux fredonnait Brel, en ce début d?hiver? Ce temps, dans ma mémoire comme un long fil gris, ténu, cotonneux. On préparait un déménagement, mes parents partaient, je suivais, c?était bête et tout simple, il n?y avait pas de questions, pas de larmes. C?était, comme on dit, comme ça et puis c?est tout. La vie, paraissait-il : ? Et oui, soupirait ma mère, les yeux rouges, c?est la vie ?? C?est ainsi que j?appris, au milieu de l?adolescence, que la vie n?était rien d?autre qu?un enchainement de séparations.

De l?aube tendre jusqu?à la fin du jour, c?était très court. A peine le temps de se réveiller et c?était déjà le soir. Il y a eu un noël dans cette longue période grise. Je ne le situe pas. Il s?est effacé avec tout le reste.

Pendant un mois, cet hiver là, on a chanté Brel, qui chantait Aragon. On a chanté Brassens qui chantait Villon. On a chanté n?importe quoi, pour éviter de parler. Parce que nous savions que nous n?avions plus le temps d?échanger tout ce que nous avions encore à mettre en mots. C?est resté par terre quelque part, balayé avec les détritus, amoncelé avec les choses inutiles dont on ne s?encombrerait pas, dans un coin de l?une ou l?autre maison, ou peut-être dans un creux de dune, à l?abri des vents. Disparu un soir de tempête. Envolées au vent du large, cendres de l?enfance.

La plage était peuplée de tous les hivers du monde, de tous les vents et pluie des cinq continents. L?herbe d?aout s?était séchée sur place, courbée sous la neige. Les mouettes devinrent stupides, leurs cris ne touchaient pas plus loin que mes oreilles ; l?odeur du varech ne remplissait plus mes soirées. Je m?abrutissais de lectures. Puis, on a rangé les livres dans les cartons, avec les coquillages. Les pièces se vidaient peu à peu. Les choses se détachaient de moi heure après heure.

Hiver de désastre, déchirement silencieux dans le froid. Comme si le brouillard ne suffisait pas pour annoncer la fin d?un monde. Sur la plage, nous marchions sans rien dire, ou en nous disputant, dents serrées.

On a pris des photos ridicules, je suis méconnaissable sous un bonnet de marin tricoté enfoncé jusqu?aux yeux, col roulé et caban noir, déguisée en pêcheur, le pantalon dans les bottes, les mains dans les poches et l?air furibond sous une mèche qui a réussi à s?échapper du bonnet pour barrer mon visage d?une longue éraflure sombre. Je me souviens qu?il faisait si froid que les vagues ont gelé.

Le cri des mouettes, un an plus tard, je l?aurai oublié. La douceur du sable, le sel sur mes lèvres, le vent dans mon cou, le soleil froid de janvier sur mes bras, le regard tragique de la mer en hiver, tout aura disparu. De plus en plus ténu, de plus en plus floue, l?image de mon ami aux yeux pales s?effacera jusqu?à disparaitre totalement. Quand nous nous reverrons, plusieurs années plus tard, nous ne nous reconnaitrons pas.

Mais que je m?appuie un instant sur le piquet fence qui protège aujourd?hui les dunes de Barnstable, et la tendresse, la paix, la certitude, tout ce qui fait l?amitié vraie et la magie des amours enfantines m?est redonné en un instant.

De l?aube tendre jusqu?à la fin du jour ?



Dernière modification le 22-04-2010 à 21:57:05

Derni?re modification le 22-04-2010 ? 21:57:16
Lise


C'est tellement beau, tellement bien écrit, si vrai, je trouve ce texte superbe de bout en bout, vraiment l'enfance nous colle à la peau, et cette nostalgie!Tant de choses me parlent! Et c'est vrai qu'il ne faut peut-être pas revoir des personnes connues dans l'enfance ou l'adolescence, cela m'est arrivé aussi, et rien n'est pareil.
Merci, Lise, pour tous ces mots si beaux, cette vie, ces instants et cette mémoire conservée!
Ce texte est magnifique, et puis cette région où tu as vécu, où tu as pu engrangé tant d'odeurs, de contacts avec une nature exceptionnelle!
Je relis demain!
Il est 23h 20 , je vais bientôt m'effondrer (ce qui ne ferait de mal à personne, de plus le gouvernement belge qui s'effondre, c'est bien plus grave et inadmissible!)
A plus tard, passe une bonne fin de journée!

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Tu es bien trop gentille, mais ça fait du bien de te lire, houlà, je bois du petit lait ! merci, merci
Ne t'effondres pas trop, j'ai hate de te lire !
Lise
Mahtama Bandit

Vous savez quoi? Je me demande si le texte en quatre parties doit nécessairement situer le personnage en quatre saisons ...Stef dit : "quatre dates différentes de l'année"

Tu me l'enlèves des doigts, Lady Christiane. Mais je comprends le réflexe d'avoir calé sur les saisons,
réflexe sain, somme toute, et intéressant aussi.

Lise, tes textes-saisons mordent où ça fait du bien, embrassent où ça fait mal, à moins que ce soit l'inverse, je ne sais pas, je ne sais plus, mais c'est ta faute, ça tourne un peu dans ma tête, je ne suis pas tout à fait ici, je suis encore un peu là-bas, dans tes saisons...
(en plus, j'ai le Nocturnes n°15 de Chopin au casque, à vous deux, Frédo et toi, vous en faites des dégats :do!

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:ttb: J'adoore faire des dégats ! je suis la dégateuse de service - qui a dit "la gateuse??" - pi en plusse avec frédo, ah !!!

Etlà, me reste a attaquer les jardins - mais j'ai encore une autre idée pour le 4 temps del'année .. il n'est pas dit que je m'arrête en si bon chemin.
Lise

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:b2: FLORENCE pour l'Auberge de Ragueneau, qui est un LIEU-WEB magique

C'est définitivement mieux en le disant ... :b2:
Lise
isa

deux saisons sur quatre, vais pas y arriver ouin :snif:
Lise, brrrrr tu as fait revenir un arrachement terrible de mon enfance, quand j'ai quitté Brest à quatorze ans, j'avais oublié...
j'espère que Flo va quand même à peu près bien dans la tourmente (en Belgique) !!

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Isa, nos dechirures les pires sont dans l'enfance : nous faisons face car le petit humain est tres fort, trés courageux, calme, tout... ( ce sont les adutles, qui l'affaiblissent)
hummm, j'ai ainsi de droles de theories sur le bébé animal humain... non, non, faut pas les prendre toutes au serieux !
_________

Si, si, tu vas y arriver, Isa, et tu seras tellement contente !

D'ailleurs, je dois remercier Mahamat The Bandit pour avoir ecrit "chapitres", ce qui a eu pour conséquence de nous catapulter vers les LONGS TEXTES.. because les textes courts, jen'aimepas tellement. Imaginez une recueil de textes qui ne feraient chacun que deux pages, soient 100 textes sur un bouquin de 200 pages, hein ? FASTIDIEUX.
Et secundo, pour ecrire 6 pages ou 8, c'est DU TRAVAIL, ça secoue, et ça fait beaucoup de bien à l'âme

Derni?re modification le 24-04-2010 ? 14:33:46
Lise

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quand j'ai quitté Brest à quatorze ans, j'avais oublié...

Bien sûr qu'on oublie, Isa. Bien sûr qu'on se lance tête en avant pour ne pas mourir. Bien sûr qu'on appelle cela "grandir"..tu parles !!

C'est pourquoi écrire nous est donné : pour revenir vers nos 14 ans.

On doit mercy ( ça tombe bien, c'est samedi)




Derni?re modification le 24-04-2010 ? 14:26:42
Lise

12 avril P?ques

Anne regardait par le judas de la porte d'entr?e. Les invit?s arrivaient, par vagues successives. Garaient leur voiture au plus pr?s, d?froissaient leurs v?tements en sortant, allaient vers le coffre chercher fleurs ou cadeaux...

Le premier se dirigeait vers la porte, un de ses cousins, C?dric, sourire affich? et coiffure impeccable. Sa femme suivait en morig?nant les 3 enfants heureux de s'?brouer, qui sautaient par dessus les parterres de tulipes et de jacinthes des bois.

Elle fila en courant dans sa chambre.

Elle connaissait par coeur ces f?tes de famille, aurait pu les yeux ferm?s d?crire chaque personne pr?sente. Le rituel de l'ap?ritif, sa tante Odile affal?e, d?s son arriv?e, dans un fauteuil large, son ob?sit? ne lui permettant pas de faire 30 m?tres sans souffler, les enfants un peu intimid?s au d?but qui finissaient par se chamailler en rigolant, son oncle Martial, sous ses airs guillerets, qui faisait le tour de la pi?ce pour scruter tableaux et objets d'art, tout juste s'il ne sortait pas sa petite loupe pour v?rifier une ?ventuelle signature, sa tante Gabrielle, toujours pr?te ? aider, jamais en repos, efficace et silencieuse, et son oncle Odilon (qu'elle avait secr?tement rebaptis? Etienne, car elle d?testait son v?ritable pr?nom), des paquets plein les mains: ??Tiens, Rebecca, je t'ai apport? du vin de nos vignes, et du foie gras, le meilleur de la r?gion, et du confit d'oie...?? ...

Sa m?re allait, venait, cherchait des vases o? placer les bouquets de fleurs, filait v?rifier si le gigot se portait bien, puis tout ? coup s'arr?ta : ??Mais o? est pass?e Anne???

A ce moment on sonna ? la porte. Anne descendit, l?g?re, v?tue de peu, la temp?rature ext?rieure ?tait d?j? id?ale (on n'?tait pas en Belgique), fit un petit signe en passant ? la famille ?bahie, et ouvrit ? un jeune homme qui n'?tait ni Brad Pitt ni Johnny Depp, mais quelle allure, tout de m?me! Des yeux p?tillants, un charme extr?me!

Bertrand l'emmena pour la soir?e voir un vieux film ??Devine qui vient d?ner ce soir??? puis au restaurant, et la ramena chez elle alors que tous ?taient partis.
Ils n'avaient pas convenu d'un autre rendez-vous.
Trop tard, pensa-t-elle! Elle soupira.

Dans la salle ? manger, quelques chips jonchaient le sol, la nappe ?tait un peu tach?e, mais tout d?j? ?tait rang?, bien en place, pour la prochaine f?te de famille.

Elle monta dormir. Demain, se dit-elle, je dois passer cet entretien d'embauche!
Elle ?tait revenue vivre sous le toit familial apr?s un licenciement qui la laissait presque sans ressources, elle ne pouvait plus assumer la charge locative de son appartement.


2 juin , ciel bleu, tilleuls bient?t en fleurs!

L?, elle l'avait d?croch?, ce boulot! D'informaticienne tr?s comp?tente elle ?tait devenue biblioth?caire dans un faubourg d'une ville qu'elle connaissait peu. Elle avait lou? un petit studio, et organisait sa nouvelle vie. Les livres, elle avait toujours aim? cela, et les lecteurs aussi!
Elle leur conseillait tel ouvrage, le dernier paru ou d'autres plus anciens, apr?s avoir discut? avec eux de leurs go?ts. Certains d?daignaient son avis, s'en tenaient ? leur id?e premi?re, d'autres ?taient perplexes, puis revenaient plus tard pour louer le livre dont elle leur avait parl? avec fougue, mais elle aimait les voir feuilleter en h?sitant les romans ou oeuvres scientifiques, philosophiques...Le monde litt?raire regorge de tr?sors.

Elle devait mettre tout le contenu de cette biblioth?que sur ordinateur, ainsi que la liste des clients. Avant elle, on proc?dait par petites fiches personnelles, manuscrites, et les rayons ou ?tag?res n'?taient pas accessibles aux int?ress?s, ils devaient s'adresser ? l'accueil et expliquer leurs souhaits!

Elle laissait le champ libre aux personnes qui venaient ici, comment choisir un livre sans le voir, l'ouvrir, lire certains paragraphes, respirer son odeur? Se laisser apprivoiser...

Elle avait sympathis? avec quelques personnes, ?tudiants, pensionn?s.

Lorsque Anne rentrait en fin d'apr?s-midi, elle passait depuis peu par le quartier des brocanteurs, chinait, ?changeait quelques mots avec les commer?ants ou les passionn?s d'antiquit?s.

Elle avait rep?r? deux ou trois objets insolites, dont un vraiment trop on?reux, un coffret en bois de rose, qui contenait encore un petit encrier et une plume ancienne.

Elle r?vait de missives, elle qui vivait au temps des SMS et des E- Mails!

Ce soir l?, elle alla voir Fahrenheit 451 au cin?-club de son quartier.


15 Septembre, clinique Ste Agn?s

Rebecca avait fait une chute grave dans l'escalier menant ? la buanderie. Elle portait une manne ? linge tr?s lourde et lorsque le t?l?phone sonna, elle voulut faire demi-tour, vacilla, perdit l'?quilibre.
Quand Pierre la trouva, elle ?tait ? demi-inconsciente, au bas des escaliers, tout le linge ?parpill? autour d'elle.

Dans l'ambulance qui la conduisit ? la clinique Ste Agn?s, la plus proche, il ?tait pr?s d'elle, boulevers?. Il regardait sa femme, toujours vaillante, intr?pide m?me, qui jamais ne demandait l'aide de personne, qu'il croyait invincible. Tous ces moments heureux qu'elle lui avait donn?s, lui ?pargnant tout souci! Et il s'en voulut tellement, regrettant de n'avoir pas compris certains signes de lassitude, de d?couragement parfois.

Il avait aussit?t appel? Anne. Mais elle ne r?pondait pas. Il avait laiss? un message sur son t?l?phone portable, et se sentait tellement d?sempar?.

Anne ?tait ? des lieues d'imaginer cet accident. Apr?s avoir quitt? la biblioth?que, elle ?tait all?e au parc, c'?tait encore l'?t? mais la lumi?re d?j? ?tait diff?rente. Des enfants y jouaient, juste apr?s l'?cole, avant les devoirs...Elle s'attarda devant le mini-golf o? des adolescents oubliaient pour peu de temps leur ordinateur et les jeux de r?le.

En face d'elle, sur un banc, un jeune homme ( non pas Jude Law, ni Joseph Fiennes, mais tr?s s?duisant tout de m?me!) l'observait.

Elle n'y pr?ta pas attention, elle venait de consulter ses SMS, saisit son sac rapidement, appela un taxi ? la sortie du parc et fila vers la clinique. Son p?re l'attendait, anxieux, mais calme.

??On est en train de l'op?rer, fracture du tibia et elle a de nombreuses contusions. Mais cela va aller, apr?s une r??ducation et du repos!??

Elle posa sa t?te sur l'?paule de son p?re et lui murmura :? ??Bien s?r, papa, cela va aller! Et tante Gabrielle viendra quelques jours pour l'aider?? . ?
Il se tourna vers elle et lui dit : ??Et toi, comment vas-tu? Es-tu heureuse au moins? Tu ne viens pas souvent nous voir!
Ah!oui, ce jeune homme qui t'a enlev?e lors de notre f?te de P?ques! Il a t?l?phon? derni?rement, cherchant ? te joindre. Je pensais qu'il ne t'int?ressait pas, tu ne l'avais pas recontacté ».

Elle ne regarda pas en soir?e la s?rie???Urgences??.





25 Octobre , soleil ?clatant.

Anne ?tait dans le parc, assise sur un banc, elle lisait le dernier recueil de po?mes achet? par la biblioth?que. Des enfants escaladaient les ?chelles de corde menant au toboggan, sautaient sur les trampolines, les plus petits jetaient des morceaux de pain aux canards.

La veille, en quittant l'atelier de reliure o? elle s'?tait inscrite, elle avait d?val? les escaliers sans se soucier des autres et heurt? quelqu'un qui montait, un jeune homme (non, pas Edouard Norton, ni Hugh Jackman, mais tout de m?me, mince, les yeux bleus comme des lacs en Finlande).

En rentrant chez elle , apr?s sa promenade au parc, elle ?tait pass?e chez Julie, une amie qui l'avait invit?e pour le repas du soir. Il y avait l? d'autres personnes, elle se sentait un peu mal ? l'aise, restait en retrait.

A table, les conversations fusaient de toutes part. Elle restait silencieuse. Souriait, sans plus. Julie l'appela, entre le dessert et le caf?. Quelqu'un a d?pos? ceci pour toi, dit-elle. Anne ouvrit le paquet cadeau , et d?couvrit, stup?faite, le coffret en bois de rose qu'elle convoitait sans pouvoir se l'offrir.

A l'int?rieur, l'encrier, la plume et un petit billet : Je vous attends demain au parc, vers 17 heures.

Elle se rendit au parc, passa par l'all?e des hortensias, ramassa quelques marrons brillants, comme des joyaux, encore dans leurs bogues ?clat?es.

Elle s'assit sur un banc, pensa ? Bertrand (et si c'?tait lui?) mais n'?prouva aucun sentiment de joie ? l'id?e de le revoir peut-?tre. Elle abandonna sur le banc les cinq marrons et partit en courant vers le quartier des brocanteurs.

Elle poussa la porte du magasin. Un couple h?sitait entre deux lithographies. Elle ne vit pas le commer?ant habituel. Derri?re la table o? il se tenait habituellement ?tait assis un jeune homme.
Je l'ai d?j? rencontr?, se dit-elle...mais o?? Dans la vitrine o? se trouvait le coffret en bois de rose, une timbale en argent occupait la place.

??Si vous avez besoin d'un renseignement...Je remplace mon p?re absent pour trois jours.??Elle se retourna, il ?tait derri?re elle. ??Je voudrais savoir...le coffret, savez-vous qui l'a achet????


Il sortit de sa poche les cinq marrons cuivr?s, et les lui tendit.
C'est donc vous! Dit-elle

??Bien s?r, depuis que vous ?tes entr?e ici la premi?re fois, j'ai su que je vous attendais depuis toujours.?J'?tiquetais des livres dans l'arri?re-boutique. Apr?s vous ?tes revenue, je vous ai suivie quelquefois...Mais je n'osais pas vous aborder. Tiens ce soir on joue au Forum ??La belle et la b?te?? voudriez-vous m'accompagner? Elle ?clata d'un grand rire...Ainsi, il connaissait aussi sa passion pour le cin?ma.
Il s'appelait Gilles. Non, ce n'?tait pas Brad Pitt, ni Jude Law, ni Johnny Depp, ni...
C'?tait lui, tout simplement.
Et s'il n'aimait pas les f?tes de famille? Et bien, tant pis!

Je voudrais corriger certaines fautes (entre autres plein et pas pleins), je me suis réinscrite comme tu me l'as conseillé, Lise, pas possible de modifier.
isa

je le fais, Christiane !

Ah! Isa, et comment peux-tu le faire ? Avant on demandait un pseudo et l'adresse e-mail, d'ailleurs, voir sous ce cadre. Maintenant un mot de passe que je n'ai jamais donné, mais cela ne marche pas!

Bonjour à toi, fille de Brest!


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Hors-ligne
Christiane, je viens de lire et relire ton texte Saisons/quatre temps, et il est magique, c'est tout en demi-teintes, très doux, tu t'en es sortie plus que très honorablement (vocabulaire surrané particulièrement prisé de ma prof de français en troisième, ça fait quelques lustres, hum, hum hum...)

J'aime beaucoup certaines phrases qui reviennent comme un leitmotiv et donnent le rythme. EI : " Non, ce n'était pas Brad Pitt, ni Jude Law, ni Johnny Depp, ni... ".je crois qu'il faut cela dans ce jeu ; il faut s'appuyer sur un recitatif ; ça me donne une idée.

Et les détails, les personnages, la vie. Bravo, Christine, et c'est bon de te retrouver. C'est chouette, hein, les longs textes aussi ??

Dites, on peut en écrire plusieurs ou bien nous sommes tenus à 1 chacun ?

Derni?re modification le 26-04-2010 ? 21:23:46
Lise

0 appréciations
Hors-ligne
Et Mahamat ?? il joue toujours dehors en donnant de grands coups de pieds dans un ballon et en poussant de grands cris de sauvage, ou quoi ??
Lise


Merci, Lise, tu sais je n'imagine pas ce que sera la fin d'un texte lorsque je le commence(sauf si la fin est définie dans le thème proposé). Donc je ne sais pas à quoi m'attendre moi-même, et j'hésite entre plusieurs solutions qui changeraient du tout au tout le récit. Mais c'est assez romantique,ce que je ne crois pas être, j'ai tenté d'aller à l'encontre de la morosité.J'ai voulu renoncer plusieurs fois, cela me semblait fade, et tellement autre que ton texte qui a un souffle que j'admire!


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