Sur ces routes de couleur







Qui, le regard aveuglé par les chanteuses up to date, l?oreille malmenée par des repas trop abondants de soupes et de daubes, ne connaît pas Michèle Bernard ?
Bon,je vois que pour vous la scène c?est une vraie scène très lointaine, avec des rampes au lieu de lampes, et l?ambiance feutrée des paillettes?il va falloir vous épousseter un peu.
Car Michèle Bernard, cette étonnante petite bonne femme aux yeux bleus, accordéon plein les bras et voix de toutes les grandeurs, vient de sortir un nouvel album, le nez en l?air, présenté aussi en ce moment au festival d?Avignon, théâtre du Chien qui fume (c?est jusqu?au 29 juillet).
Le nez en l?air, ça m?interpelle. En vérité il n?y a plus engagée et investie que la chanteuse Michèle Bernard, sans cesse et avec détermination du côté des sans-papier, des animaux travailleurs (quatre vingt beaux chevaux), des petits, des esclaves, des pauvres traînant en plein soleil à la porte des super marchés avec leurs grands chiens affamés, ceux qu?on aimerait aider, ceux qui déclenchent en nous une colère sans fond, contre quoi ? on n?arrive même pas à le savoir.
Engagée, oui, mais Michèle Bernard, c?est aussi une sorte de petite fille s?émerveillant de chaque mouvement du vent, peignant par exemple avec malice et espièglerie le destin d?un livre pourtant fort noble, mais mangé par un petit vers très sympathique (l?éducation sentimentale). Ou aussi épousant le destin de la très jeune poète Sabine Sicaud, dont elle met en musique le poème Jours de fièvre, où chaque atome est un univers de joie ou d?émotion..
Et puis, dans la dimension du milieu, celle du c?ur, c?est aussi, éperdument,éternellement, la voix de l?amour, de l?amour fou, fidèle, sans concession et pourtant fragilité extrême, confiance absolue et pourtant révolte.

Ecouter cet extrait de la chanson quatre vingt beaux chevaux
[lien]

Dernier album de Michèle Bernard, le nez en l?air
(le commander sur amazone)
[lien]





dans l'album de Michèle Bernard, le poème de Sabine Sicaud mis en musique

Jours de fièvre


Ce que je veux ? Une carafe d?eau glacée.
Rien de plus. Nuit et jour, cette eau, dans ma pensée,
Ruisselle doucement comme d?une fontaine.
Elle est blanche, elle est bleue à force d?être fraîche.
Elle vient de la source ou d?une cruche pleine.
Elle a cet argent flou qui duvète les pêches
Et l?étincellement d?un cristal à facettes.

Elle est de givre fin, de brouillard, de rosée,
Jaillit de chaque vasque en gerbes irisées,
Glisse de chaque branche en rondes gouttelettes.
Au c?ur de la carafe, elle rit. Elle perle
Sur son ventre poli, comme une sueur gaie.
En mille petits flots, pour rien, elle déferle,
Ou n?est qu?un point comme un brillant dans une haie.

Elle danse au plafond, se complaît dans la glace,
Frappe aux carreaux avec la pluie. Ah ! ces cascades...
C?est le Niagara, vert bleu, vert Nil, vert jade,
C?est l?eau miraculeuse en un fleuve de grâce ;

Toute l?eau des névés, des lacs, des mers nordiques,
Toute l?eau du Rocher de Moïse, l?eau pure
D?une oasis perdue au centre de l?Afrique ;

Toute l?eau qui mugit, toute l?eau qui murmure,
Toute l?eau, toute l?eau du ciel et de la terre,
Toute l?eau concentrée au creux glacé d?un verre !
Je ne demande rien qu?un verre d?eau glacée...

Vous ne voyez donc pas mes doigts brûlants de fièvre,
Mes doigts tendus vers l?eau qui fuit ? Mes pauvres lèvres
Sèches comme une plante à la tige cassée ?
La soif qui me torture est celle des grands sables
Où galope toujours le simoun. Je ne pense
Qu?à ce filet d?eau merveilleuse, intarissable,
Où des poissons heureux circulent. Transparence,
Fraîcheur... Est-il rien d?autre au monde que j?implore ?

Alcarazas, alcarazas... un café maure
Et, dans la torpeur bleue où des buveurs s?attardent,
Un verre débordant parmi les autres verres,
Un verre sans couleurs subtiles qui le fardent,
Mais rempli de cette eau si froide, nette, claire...
Ah ! prenez pour cette eau ce qui me reste à vivre,
Mais laissez-la couler en moi, larmes de givre,
Don de l?hiver à ce brasier qui me consume.

Vous souvient-il de ces bruits clairs, dans de l?écume,
Au bord d?un gave fou ? J?ai soif de tous les gaves.
Les sabots des mulets, vous souvient-il, s?y lavent,
Les pieds du chemineau s?y délassent. Dieu juste,
Ne puis-je boire au moins comme le pré, l?arbuste,
Le chien de la montagne au fil de l?eau qui court ?
Cette eau... Cette eau qui m?échappe toujours,
Qui, nuit et jour, obsède ma pensée...
Ne m?accorderez-vous deux gouttes d?eau glacée ?




Merci Isa pour ce lien, pour les infos. J'ai vu Michèle Bernard il y a 2 ans au Festival de la chanson à texte à Barjac, j'ai le souvenir ébloui d'une merveilleuse petite bonne femme derrière un gros accordéon soulevant la foule et les larmes, celles qui viennent d'on ne sait d'où pour on ne sait quoi mais qui rincent sacrément. Elle est immense, si je peux j'irai la voir en Avignon.

Coucou Ile, aah oui c'est vrai qu'elle était passée à Barjac, cette fameuse année 2004 où j'avais failli y aller d'ailleurs, mais ça ne s'était pas goupillé comme ça finalement.
Tu as écouté l'extrait de chanson?

elle est très très sympa, Michèle Bernard, je me souviens qu'un jour, croyant tomber sur le téléphone de la mairie de Saint Julien Molin Molette (joli nom, hein?), j'étais tombée chez elle par erreur ,elle m'avait accueillie très gentiment. Plus tard, je lui ai envoyé par mail des étudiants qui faisaient un mémoire sur la chanson et elle les a reçus royalement, leur donnant plein de choses, accompagnements etc....



Salut
Yves Heurté disait de la jeune Sabine Sicaud

On n?a plus grand chose à apprendre quand à 9 ans on a déjà écrit sur son cahier d?écolière :

« Vous qui lisez ,
le front penché, dans une chambre,
sentez-vous donc pas qu?au seuil froid de novembre

Tout ce maroquin neuf et ces parchemins d?or

Sont faits pour que, ce soir, on traduise dehors, uniquement les strophes du platane ? »



ça doit être une des premières mises en musique de ses poèmes, probablement.

Bernard a aussi chanté René-Guy Cadou.


J'écoute ton mp3, Leezie. Le texte est vachement beau, bien plus que d'habitude pour Michèle Bernard, j'espère qu'elle lira pas. En fait, elle écrit souvent très simple, ce qu'elle pense simple, pour que tout le monde la comprenne, tous ceux qui viennent la voir. Bon sentiment.
Mais je préfère ce genre-là.

Oui, le texte est ici suffisamment beau pour que les autres éléments prennent de l'importance : le timbre de voix, les accords de quatrième degré sur tonique, le sax, la mélodie... elle est belle, cette mélodie, j'aime beaucoup lorsque le refrain part dans l'aigu et que les rythmes sont décalés, exprès. On dirait des fremen dans le désert de Dune, qui marchent irrégulièrement pour ne pas attirer les Vers
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