Babyliss in Babylon
S*

Tout à l'heure, j'ai reçu un e-mail publicitaire de chez Babyliss (hyper bien ciblé, il me vantait un lisseur-vapeur) et malgré mes filtres efficaces, je reçois quand même tellement de conneries en pub, que j'ai eu envie d'en faire un texte de pur défoulement où un mec pête un méga-cable après en avoir reçu une :)

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Je suis sûr qu'il n'y a aucune loi qui interdit d'envoyer des fleurs depuis une prison vers un hôpital. Surtout à ses victimes.
C'est madame Frot et monsieur Lindon qui vont être sacrément contents. En fait, je ne connais pas leurs vrais noms, ils me l'ont dit, forcément, au début quand je suis entré dans le magasin, mais j'ai trouvé qu'ils ressemblent tellement à Catherine Frot et Vincent Lindon que j'ai oublié leurs vrais noms. Je suppose que tout le monde doit faire pareil, y compris le personnel de l'hôpital. Alors j'écrirai le nom des acteurs sur le papier. Ils vont bien rigoler. Ils sauront tout de suite où aller. Si j'avais mis les vrais noms, peut-être ils auraient dû chercher dans les registres pendant des longues minutes, alors que là, comme j'ai écrit des visages, ils vont aller droit vers les bonnes chambres.
- Madame Frot, je vous apporte un bouquet de fleurs de la part de Mr. Nonpaslui.
Eux par contre, ils connaissent mon nom, mais je sais que leur première réaction, ce sera de dire "Non, pas lui !".
Tout de suite, ça crée une complicité.

Bon, tout ça c'est un malentendu, un bête malentendu, un petit peu comme quand on arrose une plante avec de la vinaigrette ou comme quand on décroche le fer à repasser quand le téléphone sonne.
Voilà, un matin, je reçois un e-mail de chez Babyliss. Moi qui n'ai presque plus de cheveux, je me dis qu'il y a dû y avoir une erreur. Puis je lis "vous avez gagné un lisseur vapeur", avec la photo d'une fille sublime, une longue cascade de cheveux couleur miel qui lui descend jusqu'aux reins, genre Miss Salon de Coiffure 2008, avec un petit regard de côté comme ça, l'air de ne pas y toucher et ça m'énerve.

Evidemment je jette le message et puis je vaque à mes occupations. Et puis, en allant acheter mon pain, je sens une sorte d'érection, mais bizarre, qui porte sur le côté, un peu comme le regard de la fille sur le photo de chez Babyliss. Ca m'énerve, alors j'essaye de marcher discrètement en prenant soin de coller sur mon visage l'expression non-non-je-ne-bande-pas. Puis j'avise une vitrine, un magasin de matériel de cuisine. Dans la vitrine je vois le reflet de mon érection sur le côté et ça m'énerve. Et là, je ne sais pas pourquoi, j'ai envie d'acheter un couteau, un beau couteau bien long, bien brillant. Je ne sais pas trop ce que je vais en faire, vu que je mange surtout des pizzas et des surgelés, je me dis que je vais peut-être le mettre au mur, ça fait chasseur. Je me dis qu'à côté, je pourrais mettre une photo de sanglier ou quelque chose comme ça.
La vendeuse fait une drôle de tête quand je le passe direct dans ma ceinture, et ça m'énerve, mais je lui explique quand même que c'est parce que je vais avoir des paquets à porter, puis elle regarde mon érection. Tiens, je me dis, elle a changé de côté, ça fait bien avec le couteau, ça dessine une espèce de pyramide.
Ensuite, elle a l'air contente de me voir partir et ça m'énerve.

Là, je tombe sur un magasin avec des produits Babyliss. Je ne l'avais jamais remarqué, peut-être ils l'ont construit très vite, depuis hier. En tout cas, sur une photo dans la vitrine, il y a la même fille que dans l'e-mail, mais avec son autre profil, elle a changé de côté ! Exactement comme mon érection. Moi je dis, il y a des signes, ça ne peut pas être un hasard.
Je pousse la porte, j'ai oublié de dissimuler mon couteau à ma ceinture. Bon, mais je pense que les gens remarqueront surtout mon érection, en tout cas, soit l'un soit l'autre, dans les deux cas, je suis gagnant, il y en a un qui cache l'autre.
Et là, je vois la vendeuse qui ressemble à Catherine Frot, mais alors comme deux gouttes d'eau.
- Monsieur, je peux vous aider ?
- Bonjour, est-ce que vous êtes une dilettante, ah ah ?
Elle ne me répond pas. Je crois qu'elle a remarqué les deux, le couteau et l'érection, mais moi je dis, ce n'est pas grave, comme ça elle se souviendra de moi, comme ça je ne disparaîtrai pas de sa mémoire dès que j'aurai franchi la porte du magasin et en fait tout le monde y gagne, tout le monde.
Comme elle ne répond pas, j'enchaine :
- Bon alors vous allez pouvoir m'expliquer pour l'e-mail.
- Quel e-mail, monsieur ?
- Ah, vous n'êtes pas au courant ? L'e-mail de chez vous, de chez Babyliss. Celui que j'ai reçu ce matin.
Elle fronce le nez, les yeux, la bouche et ça m'énerve.
- On n'est pas Babyliss, on vend des produits Babyliss, mais aussi d'autres marques. Et on n'est pas au courant des messages publicitaires de Babyliss par mail, nous...
- Ah bon ?...
Je gagne du temps, parce que j'ai bien compris que je me trouve face à quelqu'un qui veut fuir ses responsabilités, et qui va dire n'importe quoi pour éviter le sujet.
- Oui, je sais que j'aurais dû vous amener l'e-mail, mais je vous demande de croire à ma bonne foi, j'ai gagné un lisseur vapeur Babyliss. Est-ce que vous pourriez me l'emballer dans un paquet-cadeau. C'est pour me l'offrir.
Là, elle regarde mes cheveux, enfin plutôt ma quasi absence de cheveux et ça m'énerve.
- D'abord, monsieur, je ne peux pas vous donner un produit comme ça et en plus...
- En plus quoi ?
Catherine Frot regarde mon crâne, puis mon érection, puis mon couteau, et à chaque fois, son regard essaye de trouver un autre endroit où se fixer, j'aime ses yeux qui tournent, ça fait joli.

- Viens voir !
Là, il y a Vincent Lindon, enfin son sosie parfait qui débarque. Catherine Frot lui explique.
- Y a monsieur qui dit qu'il a gagné un lisseur vapeur Babyliss par e-mail... Je sais pas quoi, faire, moi ! Il n'a pas de papier ou quelque chose pour le prouver.
Lui, il a un genre de reniflement, comme s'il était allergique, et ça m'énerve. Et il vient vers moi d'une manière que je n'aime pas.
- On ne peut pas vous donner un produit comme ça, monsieur.
- Votre collègue m'a déjà dit la même chose.
Je n'aime pas qu'on me répète deux fois la même chose, c'est comme si on me prenait pour un môme ou pour un demeuré.
- Eh bien, je suis désolé, monsieur, mais il faut que vous reveniez avec un papier, un bon de la société Babyliss et là, il n'y a pas de problème. Ou votre femme, elle peut venir aussi.
- Ce n'est pas pour ma femme, je n'en ai pas, c'est pour moi.
Là, il se met lui aussi à regarder mon crâne et ça m'énerve. Puis il regarde Catherine Frot, puis mon érection, puis mon couteau, puis ils se mettent à me regarder tous les deux, puis ils se regardent à nouveau.
- Pour vous ? Vous vous fichez de moi ?
- C'est vrai que je n'ai pas des cheveux très abondants, mais... mais si j'ai envie d'en prendre soin, moi ? Et puis c'est mon lot, je l'ai gagné ! En plus avec tout l'argent que vous gagnez dans vos films, vous ne pouvez pas comprendre ça...
- Quels films ??
- Enfin, je veux dire... les sosies, c'est un peu pareil quoi.
Lindon se met à s'énerver, je vous jure, il y a vraiment des mauvais coucheurs, des gens qui prennent plaisir à embêter les autres, moi les gens comme ça, je ne les comprends pas. Il me dit :
- Il a rien d'autre à faire, le monsieur, là ? Il va nous lâcher un peu ?
Alors, s'il y a quelque chose qui m'énerve, c'est quand on parle de moi à la troisième personne en ma présence. C'est comme si je n'existais pas.
- Vous ne devriez pas dire ça, vous ne devriez pas dire ça, vous ne devriez pas dire ça...

Bon, après il y a des petits trous dans mon histoire. Par exemple, je ne me revois pas sortir mon couteau de ma ceinture et le prendre à la main. Je serais incapable de dire quand et comment j'ai frappé Vincent Lindon, mais il paraît qu'il va s'en sortir avec peu de séquelles. Par contre, Catherine Frot, je la revois mieux, je me souviens toujours mieux des femmes, par exemple, la fille de la pub Babyliss, je pourrais la décrire dans le moindre détail. Et Catherine Frot aussi. Elle s'est protégée avec ses bras et mon premier coup a rebondi sur sa montre, puis le deuxième a entamé son avant-bras. Elle a poussé un cri assez joli, elle devrait faire du cinéma comme la vraie.
Ah oui, je me souviens aussi que mon érection s'est remise bien droite juste à ce moment là, et ça m'a fait tellement plaisir que ça m'a donné une sorte de tendresse pour le monde entier et c'est sûrement pour ça je n'ai pas frappé dans le coeur ou dans des parties vitales. Je voulais juste qu'on m'écoute et qu'on me donne mon lisseur-vapeur, c'est tout. C'était comme taper sur l'épaule de quelqu'un et faire "hep, excusez moi".

Mais apparemment, j'étais bien le seul à être de cet avis. D'ailleurs, quand j'ai expliqué à la police l'histoire de Babyliss, ils n'ont pas eu l'air de penser que c'était une bonne raison, et quand j'ai dit au psy qu'il fallait respecter les règles du jeu, alors là, j'ai cru que je lui avais parlé chinois.
Tiens, je vais leur envoyer des fleurs, à eux aussi, comme ça ils verront bien que, moi, je ne suis pas rancunier et que même, oui même quand on est injuste avec moi, je réponds en faisant des cadeaux. Ca leur fera une bonne leçon.
S*

Ces foutus anti-slash (caractères "" ) qui se sont placés avant tous les apostrophes ne sont pas d'origine, le mec est nerveux mais pas à ce point là :)
isa

très rigolo !

("Moi qui n'ai presque plus de cheveux" )
Lindon et Frot, ça m'a refait penser à un film où ils jouent ensemble, "chaos" (assez sinistre, le film, mais super)

Extra. c'est très drôle et défoulant. Je pourrais faire de même avec les mails de Côte d'Ivoire ou ceux qui me proposent d'augmenter la saille de mon pénit.


mais je crains d'avoir un humour vachement moins efficace !
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