Je suis un enfant des étoiles. Je cherche à rejoindre les étoiles. Il me faut aller dans l'espace et accomplir ce pourquoi j'ai séjourné si longtemps sur cette planète appelée Terre.
Ce pourquoi, je ne le sais pas encore. Malgré les milliers d'années passées ici, sous une forme ou sous une autre, j'ignore ce qui m'attend. Je sais seulement que je dois aller dans l'espace. Je dois y aller.
Je me suis "déplacé", sans bouger un seul membre, ce qui pour certains ressemblerait à une téléportation, entre Orlando et Daytona Beach, en Floride, aux États-Unis, dans un endroit appelé Kennedy Space Center. Oui, c'est ainsi, un tas de divisions et de subdivisions typique des humains. J'ai attendu longtemps mais j'ai fini par repérer à force d'observation celui qui avait la capacité de m'aider.
"Monsieur l'administrateur de la NASA, je veux aller dans l'espace ! Je dois rejoindre les étoiles !" lui dis-je en l'abordant abruptement.
"Vous avez des qualifications d'astronaute ? Vous savez que nous n'allons pas plus loin que la Station spatiale internationale pour le moment ?"
Je répondis "J'ai toutes les qualifications requises. Et une fois dans l'espace, je sais que je saurai ce qu'il faudra faire ensuite".
Il me dit "Hé, vous vous prenez pour qui ? Vous pensez avoir des pouvoirs surhumains ou quelque chose du genre ? Que vous pourrez vous débrouiller seul dans l'espace ?"
Je rétorquai "J'ai ces pouvoirs dont vous parlez. Mais ils ne sont pas humains, donc pas surhumains. Ils sont... je ne sais pas le mot. En fait, mon ADN, si vous voulez savoir, a plus à voir avec les dauphins qu'avec les humains, et aussi avec les lemmings puisqu'elle est quadruplement spiralée. Mais si vous n'y regardez pas de trop près, elle vous semblera tout à fait hum..."
L'administrateur m'interrompit brutalement. Il semblait hors de lui. "Partez d'ici à toute vitesse !" me cria-t-il.
Je ne crois pas qu'il s'attendait à ce que je "parte" aussi rapidement.
Ne jamais abandonner. Si ça ne fonctionne pas d'une façon, essayez d'une autre. Le chemin entre la Floride et Baïkonour au Kazakhstan fut "parcouru" en un instant. Là se trouve le Cosmodrome, le plus important site de lancement de fusées de l'humanité.
L'ingénieur russe me regarda avec de grands yeux aussi surpris qu'attendris. "Vous vouloir aller dans espace ? Mais pourquoi ?".
Je répondis "Je veux aller faire une ballade. Je rêve de voir les étoiles sans le voile de l'atmosphère".
"Vous pas cosmonaute, hein ?" me demanda-t-il. Puis, avec un air suspicieux "Ni, bozhe moy !, espion occidental ?"
"Rien de cela, je veux juste aller dans l'espace".
Il me dit avec un air de plus en plus furieux "'Moi vous payer billet train pour Sibérie. Vous réfléchir longtemps là-bas !"
Il avait à peine tendu la main vers moi que je paru disparaître littéralement devant ses yeux.
Le mont Everest, le toit du monde, conséquemment l'endroit le plus rapproché de l'espace. Mais aussi désolé que la Sibérie profonde par laquelle j'étais "passé" pour atteindre Baïkonour, les fantômes des goulags en moins.
Personne, ni humain ni de ma race, donc rien pour moi. Je redescendis en marchant de façon normale pour me donner le temps de réfléchir. J'aperçu quelque centaines de mètres plus bas un monastère tibétain.
Le moine bouddhiste qui me regarda semblait sourire des yeux mais le reste de son visage était grave bien que serein. Impassible, sans remuer les lèvres, je l'entendis me lancer "Un dicton occidental dit : qui se ressemble, s'assemble. Vous, à quoi ressemblez-vous ?"
J'étais de nouveau entre Orlando et Daytona Beach, mais cette fois je tournais le dos aux installations de la NASA. Je m'enfonçai dans la mer et "parcouru" à peine quelques milles nautiques avant de percevoir les premiers sons. Un banc de dauphins semblait m'attendre, cliquant et sifflant et aboyant joyeusement à leur façon caractéristique, et en faisant de grands sauts hors de l'eau. Je me concentrai et chaque clic, sifflement, aboiement et saut prenait sens.
Je "traversai" l'Atlantique et une partie de l'Afrique pour me retrouver au creux d'un volcan éteint il y a plus d'un million d'années, situé en plein sur la ligne de l'Équateur. La cuvette d'un kilomètre de diamètre s'était formée par le retrait de la lave, le mouvement des glaces et la fonte de celle-ci au cours des ères, ce qui en avait fait un réflecteur naturel géant presque parfait.
Je me dirigeai vers le centre du cratère où plusieurs de mes semblables étaient déjà attroupés. Nulle parole, nulle pensée ne furent échangées. Nous savions tous que notre séjour sur Terre était terminé et que l'heure du grand rendez-vous avait sonné. Nous remplissions maintenant une bonne partie du vieux chaudron volcanique. Droit au-dessus de nos têtes, dans la nuit équatoriale, brillaient les mille feux du centre de la Voie Lactée. Une lumière, une énergie, un souffle nous enveloppèrent tous, et tous nous quittâmes nos enveloppes charnelles maintenant inutiles.
Et autant je sus alors ce que j'étais venu faire sur Terre, autant j'étais libéré de toutes ces informations que j'avais accumulé pendant des millénaires sur la planète et ses habitants. Libéré des joies, des peines, des réalisations, des défis et des espoirs des humains pour les confier à ces grandes consciences collectives, ces hyper-machines pensantes et ces supra-génies qui hantent le centre de la galaxie, qui allaient les soupeser et les vérifier, et entreprendre une méditation profonde sur l'humanité. Libéré pour être enfin moi-même, enfant des étoiles au cœur des étoiles.
- épilogue -
Vous vous demandez sans doute comment et pourquoi j'ai pris la peine de vous raconter une partie de
mon séjour sur la Terre ? Hé bien, même si je me suis délesté de toutes ces informations, je garde tout de même des souvenirs. On ne m'a ni interdit ni permit de vous transmettre mon histoire, c'est une initiative "personnelle". Je me suis arrangé pour revenir sur votre planète le temps de déposer mon texte en m'assurant que quelqu'un le trouve.
Vous ne devez pas avoir peur de nous, nous sommes sages et bienveillants. Critiques peut-être, sévères même. Mais nous chérissons la vie sous toutes ses formes, nous.
Patrick Packwood
- 26 juillet 2016 -