... Pas moins printemps- 2. Vers le lac vert

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Son char vuide faisait de lui-même son cours ordinaire, pour donner aux hommes les jours et les nuits avec le changement régulier des saisons
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Fénelon, les aventures de Télémaque, 1699

Près du lac vert, Muriel Moreno (ex-Niagara), 1996 :


 




... Pas moins printemps.

2. Vers le lac vert.



Au dernier terrier avant le bord du monde
au dernier tournant avant de tomber de la sphère
j'ai lâché la feuille de route que m'avaient donné mes maîtres
certains que j'avais définitivement oublié le monde du dessus

la couleur et la lumière

au dernier mètre avant ma date de péremption
j'ai pris la correspondance cachée vers le lac vert
je suis entré dans le coude qui montait vers les hauteurs interdites
du pays nu dont nous parlions parfois entre nous
le plus souvent pour nous en moquer

sous le soleil
à même le ciel

j'avais souvent rêvé en secret du lac vert
de ses chélones
ses iris d'eau

de cette fleur mauve qui dansait et chantait sous le vent parfumé
 
ceux qui en parlaient le plus fort disparaissaient peu après
dans les couloirs du terrier s'affichaient des graphiques et des courbes
des présentations solennelles étaient retransmises sur écran géant
et des algorithmes versaient des larmes régulières
par les murs étroits

pourtant d'ordinaire parfaitement secs

ceux qui avaient disparu étaient sans doute un peu fous
convenait-on volontiers devant les yeux vides qui nous enregistraient
mais dans l'angle mort des caméras poussaient des questions
-les avait-on fait taire
ou avaient-ils vraiment trouvé le lac vert ?-

ces simples questions suffisaient à ouvrir une trouée
un sentier creusé dans notre cœur
par le chant de la femme-fleur

la couleur et la lumière
le vent du soir dans les hautes herbes
ce souffle si doux sur le corps qu'il empêche de dormir mais fait rêver
tout cela existait donc vraiment
et mes maîtres avaient menti

à quelques regards du lac vert
j'ai raté le train qui voulait me tuer
et j'ai quitté le terrier
sous son ciel d'eau maintenant proche à le toucher

sous le soleil
à même le ciel
entre les rhizomes de la renouée
de tous ses épis floraux du rose clair au rouge foncé
  la fleur-femme m'a fait signe d'approcher

elle a ouvert ses bras sans cesser de chanter

 

 

Dernière modification le mercredi 23 Décembre 2020 à 00:44:42
Remercie pour la lumière du jour
pour ta vie et ta force
-Tecumseh, chef Shawnee


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Avatar : Déesse Epona, bois de chêne, alliage cuivreux, tôle d'argent et pâte de verre, Ier-IIème siècle, Saint Valérien, Bourgogne (actuelle Yonne)
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