Comme "Mukti" , en 5 parties, mais cette fois postées ensemble.


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Priya*


1. L'arrivée


ô mon traversant
ô mon balcon sur la mer
je ne remonterai pas
je relève les traces du mal sur le sable
je pose ma main
dans chaque creux qu'elles ont fait
je constate qu'elles se perdent
à l'endroit où le mal est entré dans le monde
elle se perdent
dans le plaisir que le monde a eu
à le recevoir

ô mon mariage de formes et de couleurs
j'appuie sur la mince pellicule
qui t'entoure
et je recueille sur le bout de mes doigts
un peu de ta chair
pour me donner la force
de tracer les signes requis
afin que tu puisse me retrouver et me ramener
dans très longtemps

oiseau
posé sur le rocher
boule si serrée
qu'elle semble dépourvue de pattes
j'observe
tes transformations
je note tes cycles d'expansion
et de contraction
pendant que tu m'apprends à sourire
et quelques mots essentiels
pour pouvoir acheter à manger ici
dès le premier jour
sans passer pour un étranger


2. Ce qui a su saura.


le soleil s'est levé
les esprits sont partis
la plage fume sous la chaleur
et me dépouille de mes ailes

qu'il pleuve de la lumière
je ne remonterai pas
que le vent me promette la connaissance
et m'invite à l'éveil
je ne remonterai pas

pas plus haut que la plus basse branche du banyan
pas plus haut que les mains en coupe d'une enfant
pas plus haut que le saut du chien

ô ma hauteur
je veux descendre
parmi les choses
qui ignorent leur nom


3. Bientôt. j'aurai oublié que j'ai oublié.


maintenant écoute
car c'est aussi ton histoire
j'ai pour mission de retrouver d'abord un certain arbre
au carrefour de quatre routes
on dit que cet arbre n'a pas été planté
qu'il est venu au monde par ses propres moyens
et qu'il délimite très exactement
le dernier endroit d'où on peut encore
apercevoir la mer

là
je veux prendre le temps
d'habituer mes yeux à voir à peine
tout en regardant une dernière fois
l'eau et la lumière s'épouser
je ne remonterai pas
mais avant d'oublier
je veux entendre
ou me souvenir que j'ai entendu
un cri d'agonie venu de si loin
qu'il semblait à peine un murmure
et dont on m'a dit qu'il était en vérité
un nom à retenir


4. L'arbre que le mal n'a pas pu imprégner.


que la lune chante plus haut que l'audible
je ne remonterai pas
que les sentiers qui reviennent au soleil
s'animent et prennent la forme de femmes invitantes
je ne remonterai pas
écoute ô ma rivière verte
ô ma large feuille
j'ai rendez-vous au pied d'un arbre
qui te rappellera notre première naissance
j'ai rendez-vous avec lui pour caresser son écorce
et l'arbre s'ouvrira
sur un passage qui mène à un autre arbre
au centre de la capitale de ce pays

on dit que lorsqu'il est entré dans les terres
le mal n'est pas parvenu à l'imprégner
on dit qu'il a tourné cent fois autour de l'arbre
en vain
alors le mal à changé de forme
un peu comme nous
mais avec une toute autre intention


5. S'habiller de ce qui rend visible.


on dit tant de choses
et l'arbre protège l'ombre qui protège l'eau
ce matin encore sur la plage
je savais pourquoi
je savais comment et je savais qui

je commence à oublier
encore quelques heures
et pour moi les arbres seront muets
mais je ne remonterai pas

et maintenant
puisque nous n'avons plus la même vue
pour t'aider à mieux me reconnaître
je vais me pencher au pied de l'arbre
et avant d'entrer dans le passage
je vais déterrer
la partie de moi dont j'ai besoin
pour que tu me voies



*Sanscrit : bien aimée.









Dernière modification le 22-05-2010 à 02:00:01

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Derni?re modification le 22-05-2010 ? 12:57:50

(depuis très longtemps, je sors, de temps à autre, des séries portant des noms sanscrits, et même récemment un texte d'album jeunesse dont l'action pourrait se situer aux temps védiques, cela ne veut pas dire du tout pour autant que j'adhère à l'hindouisme, en vérité, je suis même très reconnaissant au Bouddha d'avoir mis un bon coup de pied dans ce système. Simplement, il y a, dans les sons, dans les formes et les couleurs, dans les légendes, dans les chants dévotionnels, dans la langue sanscrite et dans un ce-que-je-serais-incapable-de-nommer, quelque chose qui m'atteint profondément et résonne loin et ces quelques textes-là, j'en ignore moi-même la raison profonde, ne peuvent porter que ces noms-là, car tout simplement,ce sont les noms qui leur correspondent. Bizarre, hein ? )

Dernière modification le 22-05-2010 à 02:15:25

Derni?re modification le 22-05-2010 ? 02:15:27

Je crois qu'à travers certains textes sacrés et certaines langues, des mythes ou idées touchent beaucoup plus largement que seulement leur propre culture, c'est sûrement le cas du sanskrit.
Pour moi c'est toujours lié à pureté, dans le sens simplicité, mystère, recherche. Je pense que le bouddha historique n'est pas pour rien né dans cet univers, qui était déjà avancé sur plusieurs chemins, l'idée qu'à travers la simplicité on peut toucher plus juste, l'idée que c'est parfois au travers du mystère, de l'inconnu, qu'on arrive à connaître, l'idée que les choses ne sont pas ce qu'elles paraissent etc.

Quelle magnifique magnifique suite !

C'est une langue superbe! Cela me retransporte dans le mythologie grecque, ou comme je te l'ai déjà écrit, les textes et poèmes d'Henri Bauchau. C'est très très beau!

Derni?re modification le 27-05-2010 ? 22:44:13

Je vais reformuler plus clairement : le sanscrit est une langue très précise qui permet de formuler en un mot ce que la plupart des langues expriment en une phrase. Même chose pour les sons de la langue et les musiques dévotionnelles : tout cela est très "performant", direct, concentré et concentrant. "Précis", c'est (pour moi, dans ma perception) le mot-clé de tout cet univers. Comme des lunettes qui aident la vue. Tu n'es pas tes lunettes, tu ne les confonds pas avec tes yeux, mais tu es content de voir moins flou.

Derni?re modification le 05-09-2010 ? 23:42:33