Soleil sans disciples - 6. 2 mai 1519

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          Parler a touts, et n'aimer qu'une,
            - Mes pas semez, Adrien Le Roy, 1555




Soleil sans disciples
6. 2 mai 1519.

Je monte
tu descends

Ce soir encore, en un lent mouvement double, on nettoiera les escaliers, pour en ôter les taches et les poussières. Flanqués de serpillières et de baquets, des gens dont personne ne retiendra le nom parce qu’ils n’ont pas été nommés au départ, descendront et monteront les marches sans se croiser, à la lueur de torches dont j’ai soigneusement calculé les intervalles. Entre deux lueurs, il y a aura une porte plus noire que la nuit, et par cette porte, certains d’entre eux passeront et quitteront le côté visible de l’escalier. Tout le monde croira qu’ils ont  

Tu montes
je descend
je suis jeune
je veux dire jeune aussi dans mon corps
chaque matin avant de paraître
il me faut une heure
pour me vieillir
une heure d’onguents er de teintures
pour creuser des crevasses
alourdir mes yeux
-alors qu’en réalité ils volent-    
je suis jeune
plus jeune que mes apprentis
plus jeune que mon petit voleur
aux cheveux qui sentent la nuit et la femme

ainsi vous me voyez
tels que vous me voulez
ainsi François n’a pas peur
et peut m’appeler son père
-me tuerait-il s’il savait ?-

tu descends
je descend
et j’ai lâché mes pinceaux
          -mon bras droit déjà de l’autre côté-        
je peins les mondes
avec le seul tourbillon de ses cheveux

    
disparu pour toujours. Mais les serpillières continuent de goutter et il finit par se former de petites rivières dont certaines descendent er d’autres montent. Dans l’eau des baquets se reflète l’autre côté de la spirale et personne n’est là pour le regarder. Personne ne voit les jardins sous les marches ni mon bras droit vivant de nouveau et je tends les doigts pour remonter le tourbillon des cheveux de mon petit voleur au corps qui ne dort jamais. Maintenant ils se pressent autour de moi et crient que le Maître se meurt, ils courent et pleurent que tout est fini alors que


j’ai relié toutes choses
les arbres et les donjons
les poissons et les navires
les corps et les continents
rien n’a de sens isolément
j’ai tout relié
par des canaux
souples et logiques
des routes d’eau chargées de petits organismes pensants
un fleuve enceint de tourbillons
et de vagues qui sentent la femme et ses cheveux
je monte et tu montes
et je suis jeune
ombre de Vitruve

la nuit s’achève et tout commence
je rêve d’un pourpoint rouge et vert
de danceries jusqu’à l’aube
puis d’un œil frais qui me remercie
pour sa toque tombée à terre que je ramasse    
pour sa bouche que j’empêche de glisser
pour le sfumato du petit matin
qui fait se confondre nos corps
et coud nos cheveux ensemble

j’entends les grands pas aimables de François
qui se précipite et résonne dans l’escalier
comme un battant de cloche
on lui crie que le Maître se meurt
alors que je commence à peine
je fais seulement semblant

tout commence et je tends mes bras vers un immense sein blanc et les gens des serpillières et des baquets sont tous là, je connais le nom de chacun d’entre eux et nous buvons tous ensemble à la source noire qui coule de l’autre côté des torches.






Dernière modification le samedi 24 Juillet 2021 à 18:05:56
Remercie pour la lumière du jour
pour ta vie et ta force
-Tecumseh, chef Shawnee


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Avatar : Déesse Epona, bois de chêne, alliage cuivreux, tôle d'argent et pâte de verre, Ier-IIème siècle, Saint Valérien, Bourgogne (actuelle Yonne)
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