On vit mal
Bon avec le temps ( depuis le 10 juin, ça fait plus de 7 mois) on n'est pas plus philosophe, mais peut-être qu'on essaye de se protéger un peu plus.
C'est extrêmement difficile à vivre, en fait. C'est ce climat de différences grossissante, de nationalisme au forcing, de dégoût qui monte. Il y a un besoin aussi de croire en l'autre, de lutter contre la modification profonde des mentalités en Belgique ( en 7 mois les gens ont évolué énormément vers des sentiments de lassitude et d'humiliation au Sud, et au Nord, fort de leur puissance numérique, les flamands sont déterminés à appliquer leurs réformes qu'ils veulent pour eux tout en criant haut et fort que c'est pour le bien de tous (région la plus riche d'Europe, la Flandre veut plus, toujours plus, en arguant qu'elle doit se développer davantage, que tout va mal... ).
Au début, je luttais jour après jours après les mensonges historiques, statistiques, sociétaux. Contre les doubles discours. Mais maintenant, j'en ai marre. Le pays a perdu beaucoup, budgétairement, dans ces errances politiques.
Avec la monté du prix du pétrole, les gens reviennent sur terre, se rendent compte que le bugget est grevé, qu'il n'y aura pas de sous pour des réformes sociales, environnementales, sociologiques ou économiques. Pendant ce temps, nous polluons, la terre va mal et aucune réforme pourtant si "importante" pour l'Etat fédéral "et les entités fédérées" ne tient compte de la donne du réchauffement climatique.
C'est en fait extrêmement déroutant et écoeurant. Les francophones sont entrainés malgré eux dans une discussion qui ne leur apportera aucun bien-être supplémentaire, qui ne répond à aucune urgence.
Maintenant, je change de fréquences radio lorsque j'entends les débats politiques. Même les politiques francophones m'énervent. Ils pourraient prendre l'opportunité de demander énormément pour nous assurer un avenir plus serein et surtout d'être créatifs dans leurs demandes, mais ils sont trop divisés.
L'ensemble des ministères ( gouvernement provisoire) d'importance nationales ou internationale, à part les finance, se trouvent dans les mains de néerlandophones. cela peut mener à une conscientisation sur le bien-fondé de l'Etat fédéral, mais peut aussi présumer de la rupture des équilibres implicites du partage des rôles traditionnel qui assurait une vie relativement harmonieuse entre les communautés.
Etudier la Belgique actuellement, au regard de l'histoire du XXème siècle, cela fait peur. Même si nous nous en sortons pacifiquement, cela sera le résultat d'une guerre froide, avec un gagnant et un ou plusieurs perdants. La Flandre ne véhicule plus, par ces politiques, que des valeurs de matérialisme, de repli identitaire, de xénophobie larvée, de nationalisme montant, de ségrégation, d'arrogance, de pouvoir, de mépris.
Et peu nombreux sont les francophones qui croient encore que "tout cela ce n'est que les politiques". Sondages sur sondages, on peut s'apercevoir que les flamands, les gens, adhèrent à ces politiques, y croient, souvent, malheureusement avec une absence d'esprit critique , et sont renforcés dans leur vision par la réussite économique et le bon classement de leur système sur de nombreux points de vue.
La rupture est inévitable et pourtant impossible. La dette de l'Etat, le vieillissement de leur population et la pression implicite de l'Europe qui n'acceptera pas la séparation des entités de son pays-siège, le statut particulier de Bruxelles ( capitale européenne, de Belgique et ... de Flandre même si cette dernière absurdité est numériquement peu défendable).
Dans le fond, tout le monde désire que rien ne se rompe, mais à la vérité, tout le monde est en colère. Tout le monde voudrait rester belge avec tout ce que cela comporte de complexe. Mais on n'est plus fiers de cette complexité. Les flamands sont frustrés de ne pas obtenir l'Eldorado promis par leurs politiques à cause d'une résistance francophone et justifient leur indépendance à cause d'un ressassement de complexes vieux de cent ans et les francophones se sentent de plus en plus profondément humiliés et dominés. Et pour ma part, je n'ai plus aucune illusion sur aucun homme politique flamand (et plus tellement sur les francophones non plus). La pression des plus radicaux et leur contagion parmi les plus modérés est telle, que la Flandre ne reviendra pas en arrière à moins d'un drame terrible.
La situation est triste et incertaine. Personne ne peut plus dire de quoi l'avenir sera fait. Et je souhaite au plus profond de mon coeur, que ceux qui ont assumé ces positions intolérantes, inacceptables et égoïstes paient un jour prochain le prix de leur folie. Pour que peut-être, une génération ou deux ensuite, un esprit de tolérance et de générosité redevienne la norme.
Je travaille dans les Institutions européennes depuis un an et demi, il y a là toutes les nationalités et ce sont des endroits extrêmement tolérants. Rien n'est parfait. Mais si il y avait cet esprit-là en Belgique, les Wallons seraient aussi riches que les flamands. Et surtout nous n'en serions pas à des querelles de territoires, d'affichage linguistique dans les bus faisant la navette entre Bruxelles et la Flandre, de nomination impossible de maires francophones dans les communes à facilité flamandes, de votes unilatéraux avec alliance de l'extrême droite à l'encontre des opinions et populations francophones, d'imposition comme future premier ministre d'un homme qui a 1% d'opinion favorable dans la partie francophone du pays, de peur pour des flamands d'afficher à leur fenêtre un drapeau belge, etc etc...
Alors que dire. Sinon cela. Sans doute que la Belgique existera pendant encore quelques années, peut-être même plus. Mais ce sera une Belgique avec une Flandre ultra forte, très puissante économiquement, très arrogante, plus que maintenant. La ville de Bruxelles s'en sortira par sa vocation internationale. Et la Wallonie va se paupériser. Tout le monde l'aura plumée. Et les politiques wallons, par manque d'envergure, par manque de grandes vision de l'Etat et par un engoncement dans leur clientélisme d'un autre siècle ne feront rien d'autre que de gérer de mal en pis ce qu'il restera.
Il y a ceux (très peu nombreux, mais très bavards sur les blogs) qui réclament le rattachement à la France. Sincèrement, sans vexer aucun français, vu notre différence culturelle, nos acquis sociaux, notre relative harmonie avec nos populations étrangères, notre histoire, et... votre Sarko, je préfère franchement pas.
Mais je me trompe peut-être... Peut-être sur tout. Nous avons eu d'autres crises, d'autres tensions extrêmes, notamment à la sortie de la Guerre, avec la question royale. Ou en 68 avec le "Wallen Buiten" de Leuven. Mais était-ce plus profond? ou plus superficiel?
Une chose est sure, il faut vivre, malgré cela. La Belgique, à défaut d'une efficacité et d'un rayonnement politique doit maintenant vivre et progresser par la seule force morale de sa population.